• Rochat François

• Rochat François

Une négligence médicale qui tourne à la tragédie personnelle et familiale, une faute de calcul qui provoque le crash d'une sonde sur la planète Mars, un oubli administratif qui plonge une population dans une pollution hautement toxique, une erreur de jugement qui amène à donner le feu vert au lancement d'une navette spatiale qui explose en vol en raison de la température du jour dont il aurait fallu tenir compte, autant de drames qui nous rappellent que nous sommes faillibles, que nous avons des limites et que nous pouvons causer, très facilement, des malheurs autour de nous. Pourtant, nous avons aussi la capacité de nous corriger, d'améliorer ce qui s'est avéré défaillant, de réparer dans certains cas ce que nous avons abîmé, d'éviter à l'avenir une répétition de ce qui est arrivé. En quoi consiste au juste cette capacité, quelles sont ses caractéristiques, comment s'en servir et de quelle manière se développe-t-elle ?

Si dans l'activité scientifique et technique l'on ne peut guère éviter de faire des erreurs, on peut par contre y penser, les anticiper, envisager leur possibilité, établir dans certains cas leur probabilité et, de manière générale, se mettre dans de bonnes dispositions de vigilance et de contrôle. Par ailleurs, il se trouve également que les échecs peuvent être précieux, leur utilité parfois énorme, leurs enseignements généralement instructifs, pour autant qu'ils n'aient pas de graves conséquences ou des malheurs à la clé. Il y a donc des conditions dans lesquelles il est sans risque de procéder à des explorations qui pourraient conduire à l'échec et il est par conséquent possible de les conduire sans crainte pour le plus grand bénéfice de la recherche scientifique. De plus, il y a, dans les sciences comme dans la société, des accidents que l'on pourrait qualifier de bénéfiques parce qu'ils permettent d'en éviter d'autres, ou parce qu'ils ont permis une meilleure compréhension des phénomènes en jeu et ont fait découvrir leur explication, de quoi contribuer à leur prévention.

Nous savons bien sûr que l'erreur est humaine. Nous savons cependant aussi qu'apprendre est une capacité humaine remarquable. Pour saisir comment ces deux caractéristiques qui nous définissent peuvent être associées de façon bénéfique dans la pratique des sciences et la conduite de soi, nous prendrons appui sur quelques recherches sur le sujet, notamment sur celle d'Hugo Mercier et Dan Sperber qui résulte d'un double regard porté sur les phénomènes qui sont l'objet de ce cours et dont les résultats ont été publiés sous le titre de L'énigme de la raison (2021). Ce double regard est celui des sciences cognitives d'une part et de la philosophie d'autre part. Une autre recherche dont il sera question est celle de Diane Vaughan, publiée sous le titre de Dead Reckoning: Air Traffic Control, System Effects, and Risk (2021), et dont l'objet est le développement des capacités humaines et techniques en matière d'évitement et de correction des erreurs. Aussi, entre notre propension à commettre des erreurs et notre capacité à éviter d'en faire, il y a une tension à la découverte de laquelle nous irons pour comprendre comment il nous est possible de nous améliorer.

Nous partirons dans ce cours d'un échantillon représentatif d'études de cas consacrées à différentes erreurs humaines qui ont amené à la mise en place ou à la découverte de nouveaux moyens de correction, de réparation, d'ajustement, d'anticipation, de récupération de ce qui va de travers. Nous étudierons ainsi des manières de procéder au redressement de situations qui ont mal tourné, des situations qui peuvent nous apprendre comment se reprendre quand cela va mal ou est mal allé. Ce point de départ nous permettra d'envisager et de voir à l’oeuvre des réflexions et des pratiques orientées par le sens de la responsabilité, le souci de bien faire et le désir d'apprendre. Avant de voir comment, dans ces différents cas, il a été possible de se reprendre, ou à quelles conditions il aurait été possible de le faire, nous tenterons de trouver par nous-mêmes ce qui pouvait être envisagé et ce qui ne pouvait pas l'être. Il y a de quoi se laisser inspirer par de telles études de cas, aussi bien que de se trouver remis en question par ce qu'elles nous font découvrir sur nos manières de faire auxquelles nous avons tendance à recourir de façon automatique et pourtant peu avisée.

3 crédits ECTS pourront être acquis avec ce cours, pour autant que l’étudiant-e remplisse les conditions d’évaluation fixées par l’enseignant en début de semestre.

Ce cours s’adresse aux étudiantes et étudiants de la Faculté des sciences et de médecine et de
l’Université de Fribourg en général.