Publié le 24.02.2021

Bio-inspiration: Des feuilles à l'emballage


Des scientifiques de l'Institut Adolphe Merkle (AMI) de l'Université de Fribourg ont démontré comment les conditions environnementales affectent le transport de l'eau à travers la couche de surface cireuse de feuilles de lierre et d'olivier. L’utilisation de cette fonctionnalité dans des membranes artificielles pourrait conduire à la mise au point de barrières actives destinées aux emballages intelligents et à d'autres applications.
Les cuticules des feuilles sont des membranes composites qui protègent les plantes terrestres contre la déshydratation et sont donc d'une importance vitale pour leur survie. Si l'on sait depuis longtemps que les cuticules des feuilles de lierre et d'olivier ont des structures dites asymétriques, on ne sait pas encore très bien comment ces architectures affectent le transport de l'eau. Afin de mieux comprendre le fonctionnement de ces membranes biologiques, le groupe Chimie des polymères et matériaux de l'AMI, dirigé par le professeur Christoph Weder, a collaboré avec le professeur Lukas Schreiber de l'Université de Bonn en Allemagne, spécialiste de la biologie des plantes. Les scientifiques ont isolé des cuticules de feuilles d'olivier et de lierre pour caractériser leurs structures et leurs propriétés de transport de l'eau. Ils ont également développé des membranes nanocomposites artificielles qui imitent l'architecture et la fonction de ces cuticules végétales.

Une perméabilité au service de la plante
Les chercheurs ont démontré que l'architecture des deux types de membranes peut conduire à des caractéristiques de transport d'eau directionnel, c'est-à-dire à une perméabilité à l'eau plus élevée dans une direction ou l’autre. Ils ont également trouvé que le transport d'eau dans ces membranes est régulé par leur état d'hydratation. Lorsque l'environnement est sec, la perméabilité à l'eau à travers les cuticules naturelles est relativement faible, ce qui aide les plantes à retenir l'eau. Lors de brouillard et de pluie, les cuticules gonflent à l'extérieur, modifiant les caractéristiques mécaniques et de transport de la membrane. Il résulte de ce phénomène une augmentation considérable du flux d'eau. Ce mécanisme peut permettre aux plantes de dissiper un excès d'eau ou à celles qui sont déshydratées d'absorber l'humidité par leurs feuilles.

Des applications multiples
Les membranes artificielles qui ont été développées dans le cadre de ce projet présentaient des caractéristiques similaires. Leur composition peut toutefois être facilement modifiée, ce qui est impossible avec les cuticules des feuilles. Cela a permis aux chercheurs d'étudier systématiquement comment différents paramètres et composants du système influencent les caractéristiques de transport de l'eau. Ces membranes pourraient avoir des applications technologiques, par exemple là où un transport de masse régulé et directionnel est souhaitable, comme les piles à combustible et les systèmes d'administration de médicaments, ou dans des films d'emballage adaptatifs. Les résultats de cette étude ont été publiés dans la revue scientifique Nature Communications. «Nous espérons que notre étude servira d'exemple convaincant pour la recherche interdisciplinaire à l'interface de la biologie et de la science des matériaux», a déclaré le professeur Christoph Weder, titulaire de la chaire de chimie des polymères et des matériaux de l'AMI. «Cela démontre que la recherche sur les matériaux d'inspiration biologique ne consiste pas seulement à copier la nature, mais que l'étude des systèmes artificiels peut améliorer, voire modifier notre compréhension des matériaux naturels», ajoute Aristotelis Kamtsikakis, le doctorant qui a dirigé les travaux.

Un projet d’envergure internationale
Le projet a été financé par la Commission européenne dans le cadre du réseau de formation innovant PlaMatSu (Matériaux et surfaces d'origine végétale). Le projet a vu trois institutions collaborer dans le domaine des matériaux bio-inspirés: l’AMI, l'Université de Fribourg (Allemagne) et l'Université de Cambridge (Royaume-Uni). PlaMatSu a rassemblé des biologistes des plantes, des chimistes des polymères et des physiciens de la matière molle pour étudier à un niveau fondamental la structure et les propriétés des cuticules multifonctionnelles des plantes, mais aussi pour créer de nouveaux matériaux et surfaces artificiels basés sur les principes de fonctionnement des cuticules.

Ce réseau de formation a permis à neuf doctorants de poursuivre leur formation académique dans un cadre international multidisciplinaire et d'effectuer des stages industriels temporaires. Le programme a pour but de stimuler l'excellence scientifique et l'innovation commerciale, ainsi que d'améliorer les perspectives de carrière des chercheurs en développant leurs compétences en matière d'entrepreneuriat, de créativité et d'innovation.

Reference:
Kamtsikakis, A.; Baales, J.; Zeisler-Diehl, V.V.; Vanhecke, D.; Zoppe, J.O.; Schreiber, L.; Weder, C. Asymmetric water transport in dense leaf cuticles and cuticle-inspired compositionally graded membranes. Nature Communications, 2021 DOI: 10.1038/s41467-021-21500-0