Publié le 22.12.2021
La trophallaxie aide les fourmis à partager le travail métabolique
Une récente étude menée à l'Université de Fribourg montre que les fluides échangés bouche à bouche (trophallaxie) au sein d’une colonie de fourmis permettent à celles-ci de diviser et de partager le travail métabolique et d’adapter ce dernier aux besoins de la colonie.
Une étude publiée dans eLife montre que les colonies de fourmis utilisent les fluides échangés bouche à bouche pour créer un métabolisme à l’échelle de la colonie. Cette nouvelle étude suggère ainsi que les insectes sociaux fonctionnent comme un organisme unique constitué de nombreux individus et fournit des informations sur la manière dont ils y parviennent.
Un estomac pour communiquer
«Les fourmis ont deux estomacs, un pour digérer leur propre nourriture, un autre placé avant celui-ci, dit social, destiné au stockage des fluides partagés par régurgitation avec d’autres fourmis de la colonie. Ces échanges de fluides permettent aux fourmis de partager de la nourriture, mais aussi des protéines importantes produites par les fourmis elles-mêmes», explique Adria LeBœuf, professeure assistante et directrice du laboratoire d’étude des fluides sociaux du Département de biologie de l’Université de Fribourg. «Pour nous aider à comprendre pourquoi les fourmis échangent ces fluides, nous avons cherché à savoir si les protéines qu’elles partagent sont liées à leur rôle individuel au sein de la colonie ou dans le cycle de vie de celle-ci», ajoute Sanja Hakala, coauteure de l’étude et postdoctorante à l’Université de Fribourg. L’équipe a ainsi analysé toutes les protéines produites par les fourmis trouvées dans l’estomac social d’individus de la colonie. Elle a ensuite comparé la variation des protéines selon qu’il s’agit d’une fourmi nourricière ou fourragère. Les scientifiques ont également cherché à savoir si les protéines variaient en fonction de l’appartenance des fourmis à une colonie nouvellement constituée ou plus ancienne. Ils ont ainsi identifié des protéines permettant de déterminer le rôle de l’individu et l’âge de la colonie. Ils ont notamment constaté que les individus de colonies anciennes présentaient un plus grand stock de protéines nutritives, nécessaires à la croissance et à la métamorphose des jeunes fourmis.
Des protéines en guise d'élixir de jouvence
Les estomacs des fourmis nourricières de la colonie présentaient aussi un taux supérieur de protéines anti-vieillissement. Cela suggère que les membres de la colonie stockent ces protéines, qui prolongent l’espérance de vie, dans les fourmis nourricières pour s’assurer qu’elles survivront et pourront s’occuper de la génération suivante. «Ces résultats montrent que certains individus de la colonie sont en mesure de faire un travail métabolique utile à d’autres», déclare Sanja Hakala. Les auteur·e·s indiquent que des études complémentaires sont nécessaires pour comprendre la fonction de chaque protéine échangée pour les différents individus et, plus largement, la colonie.
Des observations transposables chez l'humain?
«Il est difficile de mesurer la façon dont le travail métabolique est partagé entre les cellules, conclut Adria Leboeuf, ici, en revanche, la méthode d’échange utilisée par les fourmis nous permet de déterminer facilement ce qu’elles partagent. En comprenant mieux la façon dont les fourmis partagent le travail métabolique, nous en apprendrons davantage sur la manière dont d’autres êtres vivants, notamment les humains, répartissent les tâches métaboliques entre différents tissus ou différentes cellules de leur organisme.»