Publié le 29.09.2021

Le masculin, valeur par défaut – un problème pour notre cerveau


Pourquoi est-il si difficile de comprendre la forme grammaticale masculine comme incluant des femmes? Après plusieurs décennies de recherches, Sayaka Sato et Pascal Gygax, de l’Université de Fribourg, en collaboration avec une équipe norvégienne, viennent de publier une réponse dans le journal international Language Sciences.

La forme grammaticale masculine a plusieurs sens. Parmi ceux à sa disposition, notre cerveau doit choisir, en fonction du contexte, celui qui lui semble le plus approprié. Cependant, de nombreuses recherches, menées dans plusieurs langues, l’ont montré: face à une ambiguïté qu’il vit plutôt mal, notre cerveau va automatiquement se concentrer sur le sens le plus facilement et le plus rapidement accessible, celui qui lui demandera le moins d’effort.

Polysémie du masculin
Par exemple, en lisant la phrase «Peux-tu sortir la bière?», il est peu probable que vous vous imaginiez un cercueil. En effet, le sens bière = boisson est dominant et donc plus facile à activer. Le phénomène est similaire en ce qui concerne la forme grammaticale masculine. Le cerveau choisira le sens le plus facile à activer: celui auquel il aura été plus fréquemment exposé. Comme le soulignent les autrices et auteurs de l’article, le sens dit «spécifique» du masculin (masculin = homme) est celui que nous apprenons en premier, tant de manière implicite (en période pré-scolaire) que de manière explicite (en période scolaire). En termes temporels, l’apprentissage du second sens, dit «générique» (masculin = mixte ou neutre), est proposé plus tardivement. Ce déséquilibre implique une dominance certaine du sens «spécifique» masculin.

Implications sociales
Selon les chercheuses et les chercheurs, la dominance du sens «spécifique» masculin implique une vision faussée de notre société, qui accorde aux hommes une place plus – ou trop – importante dans nos représentations. Ainsi, le langage véhicule, et nourrit même, notre androcentrisme, c’est-à-dire le fait que les hommes sont au cœur de notre société, dans laquelle tout est pensé et organisé autour des hommes.   
 

> Lire l’article dans Language Sciences