Recherche sur le sommeil01.04.2020

Le sommeil des enfants est différent du nôtre


Durant la phase de sommeil profond, le cerveau présente des schémas d’activité spécifiques pouvant être enregistrés avec des capteurs d’électroencéphalographie (EEG). Des chercheurs spécialisés dans l’étude du sommeil ont pu démontrer que ces oscillations lentes sont générées à des endroits très différents dans le cerveau chez les enfants et les adultes. Ce constat ouvre de nouvelles perspectives pour l’analyse du sommeil des jeunes enfants, mais pourrait aussi apporter un éclairage totalement neuf sur la fonction du sommeil profond et le développement du cerveau.

C’est un fait bien connu, les enfants dorment plus que les adultes. Selon les résultats de la recherche sur le sommeil, un autre fait est de plus en plus manifeste: les enfants dorment autrement. Devenir adulte implique un processus de maturation physique et intellectuelle, mais aussi des transformations fondamentales qui interviennent pendant la nuit. Tel est le constat fait par les chercheurs du Baby Sleep Laboratory de l’Université de Fribourg, dans le cadre d’études menées sur des enfants d’âges divers en collaboration avec l’Université Laval (Canada), l’Université du Colorado de Boulder (Etats-Unis) et l’hôpital universitaire de Zurich. Les chercheurs ont surveillé l’activité du cerveau pendant le sommeil avec des électrodes EEG, alors que les enfants dormaient chez eux, dans leur lit. Les mesures par EEG fournissent des informations plus fines et précises sur le cerveau, dont l’activité n’est pourtant mesurée qu’en surface. Elles permettent aux chercheurs d’observer le comportement du sujet pendant le sommeil (activité physique, respiration, mouvements des yeux), mais aussi celui du cerveau.

Oscillations dans le cerveau
Les données obtenues sur le sommeil profond sont pour le moins surprenantes. Cette phase de sommeil est caractérisée par un schéma d’activité spécifique du cerveau appelé slow oscillation. Il s’agit d’une lente alternance entre des temps de repos et d’activité, qui traversent le cerveau par vagues. Plus le sommeil est profond, plus ces oscillations lentes sont intenses. La Professeure Salomé Kurth du Baby Sleep Laboratory, au Département de psychologie de l’Université de Fribourg, souligne l’importance du rôle joué par le sommeil profond: «Nous pensons que le sommeil est avant tout une phase de repos pour le cerveau, mais cela va bien au-delà.» Les schémas d’oscillations lentes observés corroborent la théorie selon laquelle le cerveau travaille pendant le sommeil profond. En effet, en remontant jusqu’à la source des oscillations lentes, Salome Kurth et ses confrères ont constaté de nettes différences entre les enfants et les adultes. Chez ces derniers, les oscillations lentes démarrent dans la zone du front pour se propager vers l’arrière, dans les zones occipitales du cerveau. A contrario, selon leur rapport publié dans le journal spécialisé Current Opinion in Physiology, chez les enfants en âge d’être scolarisés, les oscillations lentes sont principalement générées dans les zones occipitales du cerveau. Avec l’âge, l’épicentre des oscillations se décale progressivement vers l’avant. Ce n’est qu’à l’adolescence que les oscillations lentes partent de la zone frontale. 

Le sommeil profond sous-estimé
Si ce constat suscite autant l’intérêt des chercheurs, c’est que «l’analyse des modifications observées au niveau des oscillations lentes nous éclaire sur l’activité du cerveau». La source de ces oscillations est probablement liée aux processus d’apprentissage dominants. Cette théorie est cohérente: les schémas d’oscillations lentes révèlent quelle partie du cerveau est particulièrement sollicitée au stade concerné de la croissance. Chez les enfants, c’est plutôt le cortex moteur ou sensoriel qui est actif pendant la journée et qui a besoin de repos pendant la nuit. Plus nous avançons en âge, plus le cortex frontal, qui intervient dans la résolution des problèmes, les processus décisionnels et le comportement social, prend de l’importance. Les chercheurs spécialisés dans l’étude du sommeil du nouveau Baby Sleep Laboratory veulent à présent consolider cette théorie. Ils souhaitent par ailleurs approfondir l’analyse du rôle joué par les oscillations lentes dans le développement du cerveau. Salomé Kurth estime en effet qu’il est possible que les schémas d’activité ne soient pas de simples traces passives des processus à l’œuvre dans le cerveau, mais jouent un rôle actif dans son développement. Les oscillations ont-elles une action massante sur les cellules du cerveau susceptibles de provoquer des transformations dans celui-ci? «Il est probable que les oscillations lentes favorisent les processus de mémoire et nous aident à conserver le ‹dynamisme› qui nous permet de nous adapter à l’évolution de notre environnement», déclare la jeune chercheuse. Le Baby Sleep Laboratory entend contribuer à combler les lacunes de la science, notamment sur les premières phases de la vie humaine. Les chercheurs de Fribourg vont se concentrer sur la première année de la vie, entre autres pour obtenir des informations sur le développement des enfants qui présentent des schémas de sommeil particuliers. Il s’agit d’établir si le manque de sommeil peut avoir un effet sur les performances scolaires ultérieures – et de trouver des moyens d’aider les enfants concernés et leurs parents.

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