Le prix du Centre suisse d’études sur le Québec et la Francophonie (CEQF) «La francophonie en débat» lance sa 3e édition. But: nourrir la réflexion sur les échanges et les relations à l’intérieur de cet espace qui est bien plus qu’une simple communauté de langue. Appel à candidatures jusqu’au 15 novembre 2024.
La francophonie, c’est un monde en soi, un espace aux frontières mouvantes, invisibles mais bien réelles que dessine une langue: le français. C’est aussi un terrain d’observation privilégié. «Présent partout dans le monde, le français offre par exemple un regard particulier sur la globalisation. Il permet de porter une réflexion sur l’héritage colonial, les métissages culturels», explique Matthieu Gillabert, professeur ordinaire au Département d’histoire contemporaine de l’Université de Fribourg.
Matthieu Gillabert et son collègue Claude Hauser, lui aussi professeur ordinaire dans le même département, codirigent le Centre suisse d’études sur le Québec et la Francophonie (CEQF). Depuis 2010, celui-ci fédère et stimule études et recherches portant sur les relations entre la Suisse et le Québec dans le cadre plus large de la francophonie. Un intérêt suscité et nourri entre autres par le Prix CEQF «La francophonie en débat» qui vit cette année sa 3e édition.
Ouverts à tous formats
Remise en partenariat avec la République et Canton du Jura et avec le soutien de l’entreprise horlogère Richard Mille, cette distinction CEQF récompense le lauréat ou la lauréate d’un montant de 10’000 francs. Elle a pour but de soutenir la production et la diffusion d’œuvres en langue française, artistiques ou académiques, de jeunes artistes ou chercheur·euses (de 18 à 35 ans) domicilié·es dans un pays membre de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF).
Les candidat·es ont jusqu’au 15 novembre 2024 pour soumettre leur dossier. Aspect intéressant de la démarche du CEQF: ce prix ne se borne pas aux seules recherches universitaires. Les travaux peuvent se décliner dans une perspective artistique: poésie, sculpture, etc. «Ce qui est important, c’est que l’œuvre questionne cette notion d’espace francophone de manière critique», souligne Matthieu Gillabert.
Qu’ils s’agissent de thèses ou de créations artistiques, il précise que les œuvres doivent être présentées de façon accessible à un large public. Une capsule vidéo est d’ailleurs demandée pour les œuvres écrites (travaux scientifiques ou recueil de poèmes) comme pour les œuvres artistiques. Pour les deux co-directeurs du CEQF, le prix entend élargir à l’échelle de la francophonie, l’étude et les réflexions entre la Suisse et le Québec qui ont inspiré la création du centre en 2010.
Un stimulant objet de réflexion
«Si l’étude de la francophonie a longtemps été l’apanage des littéraires, historiens et politologues se sont désormais emparés du sujet», explique Claude Hauser, précisant que les recherches menées sur la francophonie dans le domaine des relations internationales sont également très stimulantes. Qu’est-ce que la francophonie? Quelles sont ses frontières? Ces questions sont au cœur des travaux des lauréats des deux premières éditions.
D’une analyse de l’œuvre de l’auteur antillais Patrick Chamoiseau (Eva Baehler, lauréate 2023), à l’étude du langage parmi les militant·e·s afrodescendant·e·s d’origine camerounaise à Paris (Suzie Telep, lauréate 2021), en passant par le travail sur la littérature orale haïtienne de Sara del Rossi, chercheuse italienne résidant en Pologne: la francophonie semble en effet être un inépuisable champ d’étude et de réflexion.
Le ou la gagnant·e sera invité·e à présenter son travail dans le Jura et à Québec (un montant en plus du prix sera prévu à cet effet), devant l’horloge réalisée par Richard Mille et offerte par la République et canton du Jura à l’occasion du 400e anniversaire de la ville canadienne. Un lieu symbolique entre deux régions sœurs, unies par les revendications indépendantistes qui ont marqué leur histoire récente.
Regard par la périphérie
La Francophonie est ainsi un lieu où se nouent et se dénouent les enjeux culturels. Et porter un regard sur elle depuis la Suisse ou le Québec n’est pas anodin. «Cela permet d’aborder cette notion par la périphérie, alors qu’elle est souvent abordée à travers le tropisme français», fait remarquer Matthieu Gillabert. Les deux historiens rappellent que le dynamisme de cet espace mouvant n’est pas toujours venu de Paris. Loin de là. Dans les années 1960, des pays africains ont ainsi été à la base d’institutions francophones comme l’agence de coopération culturelle et technique, ancêtre de l’Organisation internationale de la Francophonie.
- Prix CEQF
- Photos: L’auteur antillais Patrick Chamoiseau dont l’oeuvre a été analysée par Eva Baehler, lauréate 2023.
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