«Studierende mit einer Autismus-Spektrum-Störung brechen das Studium häufiger ab!»

«Studierende mit einer Autismus-Spektrum-Störung brechen das Studium häufiger ab!»

Pour de nombreuses personnes sur le spectre de l’autisme, les études supérieures ressemblent à un parcours du combattant. Comment leur rendre la vie académique plus aisée? Interview croisée de Ronnie Gundelfinger et Nicolas Ruffieux, co-organisateurs du symposium «Autisme et hautes études», qui se tiendra le 23 novembre à l’Unifr.

Was ist besonders bei der Hochschulbildung, wenn man eine Autismus-Spektrum-Störung hat?
Ronnie Gundelfinger (RG): Hier sollte man zwei Bereiche unterscheiden, die das Studium für Menschen mit einer Autismus-Spektrum-Störung erschweren können. Der eine Bereich hat direkt mit dem Studium zu tun: Studierende können zwar die Fächer selber wählen, was eine Erleichterung ist. Aber es ist ein ganz anderes System, sie müssen sich selber organisieren, es ist nicht mehr wie in der Schule, wo man weiss, wann und wo man sein muss. Die Studierenden müssen Wichtiges von weniger Wichtigem unterscheiden können, es gibt eine ganz neue Art von Prüfungen, etc. Dann gibt es auch neue Rahmenbedingungen. Der Anfang an einer Hochschule ist oft mit einem neuen Wohnort verbunden, neue Reisewege dorthin. Dazu kommt noch die Situation der Universität mit vielen Leuten auf einem engen Raum. Diese Punkte, die im Alltag sonst schon schwierig sind, werden mit dem Eintritt in die Universität noch verstärkt. Neurotypische Menschen waren oft an Orten mit vielen Leuten, an Partys, Konzerten oder Fussballspielen. Autistische Menschen haben diese Situationen, wenn möglich, vermieden.

Nicolas Ruffieux (NR): Ce que l’on peut ajouter, c’est que les personnes qui présentent un trouble du spectre de l’autisme (TSA) sont souvent attirées par les études supérieures en raison de leurs intérêts spécifiques et de leurs bonnes compétences académiques. Mais ce cadre académique plus ouvert, plus libre – qui est plutôt apprécié par la majorité des étudiant·e·s – est un vrai challenge pour elles, car il sollicite beaucoup plus ce qu’on appelle les fonctions exécutives: auto-organisation, flexibilité, planification. Autant de domaines dans lesquels les étudiant·e·s avec un TSA ne sont pas toujours très à l’aise. C’est aussi ce qui explique qu’ils et elles sont plus à risque d’échec que leurs camarades neurotypiques, ce malgré de bonnes compétences académiques. Mais il faut faire attention de ne pas généraliser: les études supérieures se passent parfois très bien pour les personnes avec un TSA.

Retrouve-t-on dans certaines branches davantage d’étudiants avec un TSA que dans d’autres?
RG: Viele Menschen auf dem Spektrum fühlen sich zu naturwissenschaftlichen Fächern hingezogen. Es gibt ein grosses Interesse für MINT Fächer und für Computer Sciences. Aber nicht nur und das ist wichtig. Ich kenne eine junge Frau mit Autismus, die Medizin studiert; ihr wurde immer wieder gesagt, autistische Menschen können nicht Medizin studieren. Das stimmt so einfach nicht, eigentlich sollten alle Fächer in Frage kommen.

NR: Il est vrai que ce genre de commentaire ne motive pas les étudiant·e·s avec un TSA à s’annoncer en tant que tel·le·s lors de leur inscription dans une haute école. Certes, de plus en plus le font afin de pouvoir bénéficier d’aménagements pédagogiques. Mais il y en a probablement beaucoup qui connaissent leur diagnostic et choisissent de ne pas s’annoncer par peur des réactions, de la stigmatisation. Une grande méconnaissance règne dans le grand public, notamment parmi les enseignant·e·s, le personnel administratif et les autres étudiant·e·s.

Welche Auswirkungen hat es auf die akademische Laufbahn, auf dem Spektrum zu sein?
NR: Même s’il manque de données scientifiques pour étayer cela, ces personnes semblent plus à risque d’échec prématuré que leurs pairs. Ce que relèvent souvent ces étudiant·e·s, ce sont des difficultés à gérer les transitions – notamment les changements d’un cours à l’autre -, les attentes divergentes des enseignant·e·s, l’intégration des consignes, les travaux de groupe, les relations sociales. Le traitement des informations sensorielles dans les grands auditoires est également un défi. Maintenir un degré élevé de concentration sur une journée complète de cours peut alors devenir très énergivore. Une piste d’intervention se situe d’ailleurs au niveau de l’aménagement individuel des lieux de cours. A l’Unifr, des salles sensoriellement calmes ont été conçues afin de permettre aux personnes avec un TSA de recharger leurs «batteries». Autant de mesures qui peuvent contribuer à éviter que des étudiant·e·s n’interrompent leur cursus non pas à cause du contenu des cours mais pour des raisons externes. Ce qui serait une perte pour eux·elles-mêmes et pour l’université. Mais aussi pour la société, puisqu’on sait qu’avoir un diplôme est un facteur prédictif important pour l’employabilité et, par ricochet, pour la vie autonome.

RG: Ich würde auch vermuten, dass Studierende mit einer Spektrum-Störung häufiger das Studium abbrechen, weil es ihnen einfach zu viel wird. Manchmal wechseln sie die Studienrichtung. Oft gehen die Probleme nach dem Studium weiter: wenn sie eine Stelle suchen, sind neue Sozialkompetenzen gefragt, damit sie sich überhaupt bewerben können. Studien zeigen, dass viele Menschen auf dem Spektrum im Beruf oft unter ihrem Ausbildungsniveau beschäftigt sind.

Quels sont les droits de ces étudiant·e·s?
NR: Dès le début des études, ils et elles ont la possibilité de s’annoncer auprès du bureau études et handicap, présent dans la plupart des institutions d’études supérieures. C’est une démarche essentielle à l’obtention de mesures d’aménagements pédagogiques. Attention, je ne dis pas qu’il faut absolument s’annoncer; dans certains cas, ce n’est peut-être pas pertinent. Reste que cette démarche a des avantages certains, notamment de rendre plus facile la communication avec les enseignant·e·s, avec d’autres étudiant·e·s, etc. De façon plus générale, les hautes écoles ont l’obligation légale de mettre en place des environnements d’apprentissage qui permettent à tous·tes les étudiant·e·s d’atteindre leur plein potentiel académique. Des encouragements en ce sens transparaissent dans différents textes de lois et réglementations, notamment le rapport du conseil fédéral sur l’autisme (2018) ou la Loi fédérale sur l’encouragement des hautes écoles et la coordination dans le domaine suisse des hautes écoles (2011). Sur le terrain, on constate parfois des frictions quant à la manière adéquate de procéder.

RG: Daher ist es wichtig, dass die Philosophie der Inklusion von Neurodiversität ganz oben in der Hierarchie der Institutionen präsent ist und auf klare Weise kommuniziert wird…

Lorsqu’un·e étudiant·e s’annonce en tant que personne TSA – et peut le prouver à l’aide d’un diagnostic reconnu – que se passe-t-il concrètement?
NR: Tout d’abord, ses besoins spécifiques vont faire l’objet d’une analyse. Il est utile pour cela de pouvoir s’appuyer sur l’attestation fournie par le ou la spécialiste qui s’est chargé·e du diagnostic. Pour certain·e·s étudiant·e·s, c’est le côté sensoriel qui pose problème, par exemple passer ses examens en même temps que 200 autres personnes dans une salle bruyante. Peut-être est-il possible de mettre à leur disposition une salle séparée ou de leur donner le droit de porter un casque antibruit. Pour d’autres étudiant·e·s, il sera utile d’obtenir la documentation en amont des cours. A l’Unifr, les aménagements accordés peuvent varier d’une faculté à l’autre.

RG: Darum ist es so wichtig, was von oben kommt. Es braucht wirklich von den Universitätsleitungen nicht nur eine Absichtserklärung, sondern ein echtes Engagement. Wenn es von oben her klar kommuniziert wird, können sich Studierende auch wehren, wenn sie an einer gewissen Fakultät nicht die Hilfe bekommen, die sie brauchen. Aber da gibt es noch grosse Unterschiede zwischen der Universitäten.

NR: Le pas supplémentaire serait de dépasser la vision de compensation pour se diriger vers une perception de la neurodiversité comme une norme académique enrichissante. Autrement dit, mettre en avant les plus-values de l’inclusion de ces étudiant·e·s, ce qu’ils et elles amènent – notamment au niveau du potentiel d’innovation – plutôt que ce qu’on doit leur mettre à disposition.

Könnten Hochschulen dies als «Verkaufsargument» nutzen?
RG: Es ist kein Zufall, dass unsere Tagung in Freiburg stattfindet. Als ich einen passenden Ort für diesen Anlass gesucht habe, hat man mir gesagt, “Schaue dir mal die Unifr an, dort sind sie ein Stück weiter”. Ich denke, wenn die Unifr aktiv über ihr Engagement für Inklusivität kommunizieren würde, wäre es schon ein «Verkaufsargument». Google macht es ja auch.

Ronnie Gundelfinger vient de dire que l’Unifr n’a pas été choisie par hasard pour accueillir le symposium «Autisme et hautes études». En quoi l’alma mater fribourgeoise se distingue-t-elle?
NR: Il y a 5 ans, nous avons lancé le projet de plateforme «autism&uni». Principalement développé par Nathalie Quartenoud (ndlr: du Département de pédagogie spécialisée de l’Unifr) et financé par le Fonds d’innovation de l’Unifr, cet outil a été mis en ligne en 2021. On y trouve des informations générales et pratiques, destinées à la fois aux étudiant·e·s avec un TSA, aux autres étudiant·e·s et au personnel de l’Unifr. A partir de là, différentes initiatives ont pris forme. Un programme de coaching individualisé, visant à soutenir l’autodétermination des personnes concernées, a vu le jour grâce au soutien du Pool de recherche de l’Unifr. Citons encore le lancement d’un programme de mentorat par les pairs, de groupes de parole, ainsi que d’une série de podcasts. Sans oublier non plus les deux salles sensoriellement calmes déjà évoquées. Mais ce n’est qu’un début.

Eben, welche anderen Einrichtungen können sich als sinnvoll erweisen?
RG: Ein Bereich, den ich sehr wichtig finde, ist die Möglichkeit, online zu studieren. Während der Covid-Pandemie haben das alle Hochschulen, mehr oder weniger gut, hingekriegt. Online Vorlesungen zu hören, vermeidet die grossen Ablenkungsfaktoren (viele Leute, grosse Säle, etc.). Die Studierenden können den Unterricht flexibler, nach dem eigenen Tagesrythmus, organisieren. Zum Beispiel eine herausfordernde Vorlesung nicht gerade am späten Nachmittag hören, wenn sie schon erschöpft sind. Es kommt noch dazu, dass die Vorlesungen für Menschen mit Autismus oft zu schnell sind. Visuell sind sie sehr gut, aber akustisch kann es für sie schwierig sein. Online Kurse können sie zwei- oder dreimal anhören, bis sie alle Details verstanden haben. Es wäre eine entscheidende Möglichkeit, um diesen Personen das Leben zu erleichtern. Aber im Moment sind noch nicht alle Unis dafür technisch ausgerüstet.

NR: Une approche additionnelle est d’apporter un soin particulier aux transitions, qu’elles se situent en amont ou en aval des études. Certaines institutions proposent ainsi des semaines ou des jours d’accueil avant la rentrée académique afin d’expliquer les modalités d’inscription aux cours, le fonctionnement général des études, etc. En fin de cursus, on peut faciliter la transition vers le marché de l’emploi, notamment en organisant des activités extra-académiques du type rédaction de CV ou préparation aux entretiens d’embauche. A l’Unifr, certaines offres vont déjà dans ce sens, notamment la «neurodiversity hour» du début de semestre. A noter qu’à l’inverse, le «one size fits all» ne fonctionne généralement pas bien pour cette population d’étudiant·e·s.

Est-ce que des aménagements plus tôt dans le parcours scolaire pourraient également avoir un impact positif?
RG: Wenn man im Schulbereich etwas für autistische Menschen machen wollte, müsste man in der Schweiz die Maturitätsverordnung ändern. In vielen Ländern, vor allem den englischsprachigen, können Schüler_innen sich schon früh auf ein paar wenige Fächer konzentrieren. Sie müssen nicht bis zum Schluss x Fächer studieren und dann vielleicht scheitern, einfach weil sie nicht sprachbegabt sind, obwohl sie sehr gut für Physik, Chemie und Mathematik talentiert wären. In diesem Fall kommt man in der Schweiz nicht zur Matura. Unser System ist in diesem Sinn nicht sehr autismusfreundlich. Aber das wäre eine riesige Veränderung und ist im Moment wahrscheinlich kein Thema. Flexibilität ist immer wieder das Stichwort.

NR: Il peut aussi être intéressant de travailler – en amont de l’entrée dans le cursus supérieur – sur le développement des personnes avec un TSA: connaissance d’elles-mêmes – points forts, points faibles – mais aussi connaissance de leurs droits. Cet aspect est très important pour la progression vers l’autodétermination, pour faire avancer elles-mêmes leur propre parcours. Beaucoup de jeunes – et notamment de jeunes femmes – ne sont pas diagnostiqué·e·s et donc, une fois arrivé·e·s aux portes de l’université, n’ont même pas la possibilité d’annoncer leur neurodiversité. D’autres, alors même qu’ils ou elles connaissent leur profil, n’ont pas suffisamment accès aux ressources à disposition, que soient des informations, des spécialistes ou des réseaux tels qu’Autisme Suisse ou, ici dans le canton, Autisme Fribourg. Et puis, de façon plus large mais tout aussi importante: il reste de gros stéréotypes à déconstruire au niveau de la société.

Un symposium inédit et bilingue à l’Unifr

Malgré de bonnes compétences académiques, les étudiant·e·s sur le spectre de l’autisme présentent en moyenne un risque plus élevé d’arrêt prématuré dans l’enseignement supérieur. Cette réalité a, par ricochet, un impact sur l’emploi et pose des questions d’ordre éthique. Alors qu’un soutien adéquat pourrait atténuer ce phénomène, la recherche spécifique présente encore des lacunes. C’est pourquoi le Département de pédagogie spécialisée de l’Unifr et l’association Autisme Suisse ont décidé d’organiser un symposium consacré au thème «Autisme et hautes études». Cet évènement bilingue et hybride (présentiel et online), qui se tiendra sur le Campus de Pérolles le 23 novembre, vise aussi bien les personnes concernées que leurs proches, ainsi que les professionnels.

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  • Ronnie Gundelfinger (RG) ist Kinder- und Jugendpsychiater. Von 2004 bis 2019 leitete er die Fachstelle Autismus der Klinik für Kinder- und Jugendpsychiatrie und Psychotherapie der Psychiatrischen Universitätsklinik Zürich (KJPP).
  • Nicolas Ruffieux est professeur ordinaire au Département de pédagogie spécialisée de l’Unifr. Il est notamment responsable du Bachelor en pédagogie curative clinique et éducation spécialisée

 

Author

Journaliste indépendante basée à Berne, elle est née au Danemark, a grandi dans le Canton de Fribourg, puis a étudié les Lettres à l’Université de Neuchâtel. Après avoir exercé des fonctions de journaliste politique et économique, elle a décidé d’élargir son terrain de jeu professionnel aux sciences, à la nature et à la société.

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