Indispensables au bon fonctionnement de plusieurs de nos organes, les ondes calciques ne se laissent pas facilement observer in vivo. Pour contourner cet écueil, des biologistes de l’Université de Fribourg ont demandé un coup de pouce à leurs collègues du Département de mathématiques. Une collaboration interdisciplinaire qui porte déjà ses fruits.
Laszlo Pecze est un biologiste pur sucre. Actuellement, ce Magyar travaillant au Département de médecine dans le groupe du Professeur Béat Schwaller en pince pour les ondes calciques. Il ne s’agit pas là d’une lubie de chercheurs. Ces ondes, en assurant la communication entre les cellules, s’avèrent indispensables au fonctionnement de nombreux organes, et pas des moindres: utérus, intestin, pylore gastrique, etc. Quand elles ne se propagent pas de manière adéquate, apparaissent certaines pathologies, telle que la fibrillation ventriculaire, pour ne citer que cet exemple. Il est donc impératif de bien les étudier pour mieux les comprendre. Mais ce n’est rien de le dire: monitorer des ondes calciques in vivo, par exemple dans l’intestin d’une personne, n’est pas une sinécure. Les expériences coûtent cher et prennent du temps.
L’union fait la force
Il existe pourtant une solution alternative. Plutôt que de travailler directement sur le vivant, pourquoi ne pas simuler la réalité? C’est l’idée qu’a eue Laszlo Pecze. Pour ce faire, le biologiste s’est approché de chercheurs du Département de mathématiques: «Je leur ai expliqué le b.a.-ba de la biologie cellulaire, afin qu’ils puissent comprendre mes objectifs. La communication entre nous était primordiale.» Une fois les connaissances nécessaires acquises, le groupe du Prof. Christian Mazza a développé un modèle mathématique permettant de décrire les ondes calciques: «On peut en changer les paramètres à notre gré, explique Michaël Dougoud, doctorant, et tester différents scénarios, sans s’embarrasser d’expérimentations longues et onéreuses. L’ordinateur calcule en dix minutes ce qui requiert plusieurs jours d’expérimentations.» Les résultats sont déjà là, mais avant d’y venir, petit retour en arrière: les ondes calciques, kesako?
Good vibrations
«Les ondes calciques sont à certains organes, ce que la ‹ola› est au stade de football», rigole Laszlo Pecze. Dans les tribunes, la ola est initiée par des supporteurs qui se mettent debout, lèvent les bras et reprennent leur position assise. Ce mouvement, répété rangée après rangée, provoque une vague, une onde en somme. Il en va de même dans le corps humain: un signal calcique part d’une zone précise d’un organe donné, puis se diffuse, cellule après cellule, créant une forme d’onde. Cette dernière, en se propageant, permet, par exemple, la contraction du muscle cardiaque. «Pour en revenir à la ola dans le stade, conclut Laszlo Pecze, si les supporteurs réagissent de manière désordonnée, la ola ne se forme pas. Idem pour les organismes, chaque cellule doit être à l’écoute de sa voisine, au risque sinon de rater son battement de coeur. Ces ondes permettent donc de synchroniser les cellules.»
Premiers résultats prometteurs
Sur l’écran de son ordinateur, Laszlo Pecze pointe du doigt une onde verte qui se propage de manière circulaire, à l’image des cercles concentriques provoqués par une pierre jetée dans l’eau. «Nos simulations numériques ont montré, explique-t-il, que c’est la région dont la fréquence d’oscillation est la plus forte qui prend le contrôle de l’ensemble du système.» Pour reprendre l’image de la ola, c’est le groupe de supporteurs le plus «excités» qui donnent l’impulsion du mouvement de foule.
La mise au point de ce modèle mathématique laisse déjà entrevoir des perspectives médicales intéressantes. «Cette meilleure compréhension des ondes calciques peut nous permettre de mieux régler des pacemakers, voire de créer des appareils plus performants», anticipe-t-il.
Pas déçu de cette première collaboration, Laszlo Pecze se prend à rêver d’une nouvelle collaboration avec le Département de mathématiques. Cette fois-ci, il souhaite élaborer un modèle susceptible d’expliquer la répartition des taches sur le pelage des animaux. Le développement des rosettes sur la fourrure du guépard sera-t-il bientôt représenté sous forme d’équation?
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- Publication dans PLOS Computational Biology
- Michael Dougoud, Département de mathématiques, 026 300 92 01, michael.dougoud@unifr.ch
- Laszlo Pecze, Département de médecine, 026 300 85 11, laszlo.pecze@unifr.ch
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