Le manque de confiance en soi est au cœur de nombreux blocages chez les jeunes. Forte de son expérience de terrain et des notions théoriques acquises durant le CAS en neurosciences de l’éducation de l’Unifr, Mélanie Cotting a développé l’app’ ludique «Cap ou pas Cap?», destinée à restaurer le sentiment de confiance.
Mélanie Cotting a passé une dizaine d’années dans l’enseignement primaire public. La décennie suivante, elle l’a consacrée à l’accompagnement privé de jeunes (et de moins jeunes) dans leur parcours scolaire et professionnel. Deux mondes différents, qui présentent néanmoins un point commun frappant: «De nombreux blocages y sont liés au manque de confiance en soi.» La co-fondatrice de la méthode Cap sur la Confiance prend l’exemple de l’école: «On a beau proposer aux élèves les meilleurs dispositifs pédagogiques et les meilleur·e·s enseignant·e·s, quand ils ne croient pas en leurs capacités, leurs résultats vont la plupart du temps plafonner.» L’observatrice fribourgeoise en a vu et revu, des situations de «nœuds» à répétition: l’écolier·ère qui ne parvient pas à dépasser 3,5 en mathématiques, celui ou celle qui fait des tonnes de fautes en dictée alors que rien ne semble clocher dans son développement cognitif, etc. Les parents, eux, se plaignent d’avoir des enfants peu concentrés, voire peu motivés. «Bien sûr que certains troubles, comme celui du déficit de l’attention, sont parfois à l’origine du problème.» Mais en passant des heures à discuter avec les jeunes concernés, Mélanie Cotting et ses collègues ont réalisé que l’importance de la confiance en soi était largement sous-estimée. Forte de ce constat, l’équipe de Cap sur la Confiance – une structure basée à Avry-sur-Matran qui propose aussi bien des ateliers en groupe que du coaching individuel et des formations pour professionnels – a développé et testé plusieurs outils axés sur cette notion de confiance en soi. Parmi eux figure un jeu éponyme édité par Helvetiq, qui vise à trouver des solutions afin de reprendre foi en ses capacités. «Nous avons obtenu de très bons résultats mais j’avais besoin de comprendre pourquoi, de valider ce savoir intuitif au niveau scientifique.» C’est dans cette optique que Mélanie Cotting s’est inscrite au CAS en neurosciences de l’éducation de l’Unifr, piloté par Cherine Fahim.
Des autoroutes vers le stress
«Un des éléments du CAS qui m’a le plus marquée, c’est le modèle PRESENCE de la docteure Fahim», rapporte Mélanie Cotting. Ce modèle est fondé sur huit concepts clé des neurosciences de l’éducation, à savoir la prédisposition, les réseaux de neurones, l’élagage synaptique 1, la synchronisation cérébrale, l’élagage synaptique 2, la neuroplasticité, la conscience et le libre arbitre. La synchronisation cérébrale est particulièrement utile pour illustrer ce qui se passe lorsqu’un·e jeune manque de confiance. «Plus il se dit ‘je ne suis pas capable’, plus il crée des réseaux de neurones qui passent cette information à leurs voisins; bref, il construit dans son cerveau des autoroutes vers le stress.» En complément du modèle PRESENCE, «la théorie de l’autodétermination de Decy & Ryan, qui propose une approche qualitative de la motivation, m’a fait réaliser que la qualité de l’apprentissage repose sur la satisfaction de trois besoins psychologiques fondamentaux et universels: l’autonomie, la compétence et l’affiliation ou appartenance». L’enseignante et formatrice a trouvé un autre éclairage intéressant dans le modèle CINE de Sonia Lupien, qui postule que la réponse de stress est déclenchée lorsqu’une situation implique l’impression d’une perte de contrôle, de l’imprévisibilité, de la nouveauté ou une menace pour notre ego.
Construire le sentiment de capacité
C’est justement pour répondre aux besoins mis en lumière par la théorie de l’autodétermination, tout en s’appuyant sur les concepts de synchronisation cérébrale, de neuroplasticité et de conscience du modèle PRESENCE, et en incluant les contours du modèle CINE, que Mélanie Cotting a imaginé l’application «Cap ou pas Cap?» en guise de travail final. Destiné aux jeunes âgés de 18 à 25 ans, cet outil – qui s’inscrit dans la continuité du travail construit depuis 10 ans autour de Cap sur la Confiance – se veut «un parcours de restructuration cognitive ludique, autonome et accessible en tout temps, pour aider à restaurer le sentiment de confiance à la lumière des neurosciences». «Etant donné que j’ai déjà développé plusieurs outils, dont le jeu et un programme en ligne pour les plus petits, je souhaitais explorer une nouvelle tranche d’âge.» La fin de l’adolescence et le début de la vie d’adulte est une phase parfois d’autant plus critique que «les parents estiment que leurs enfants devraient être autonomes à cet âge-là». Or, «ce n’est qu’aux alentours de 25 ans, voire plus tard, que les connexions vers le cortex préfrontal, qui est le siège du raisonnement, de la prise de décision ou encore de la résolution de problèmes, arrivent à maturité». «Du latin ‘confidentia’, la confiance désigne le sentiment de sécurité de celui qui se fie à quelqu’un, à quelque chose, qui est assuré de ses possibilités», rappelle l’enseignante et formatrice. «Or, il ne suffit pas de vouloir avoir confiance pour posséder l’état d’esprit permettant de faire face à l’adversité et au stress.» Le but premier de «Cap ou pas Cap?» est par conséquent de «soutenir les jeunes dans la construction de leur sentiment de capacité, en implémentant dans leur quotidien, par un vecteur qui leur est facile d’accès, des outils neuroscientifiques éprouvés, pensés et gamifiés.» Mélanie Cotting l’avoue volontiers: «Mon projet initial était plus modeste, par exemple un blog.» Mais l’enseignante s’est vite laissé convaincre par l’idée – plus pertinente et percutante vu le public cible – d’une app’.
Système scolaire normé
Cet ambitieux projet a été scindé en deux parties. Première étape, achevée en automne 2022: la création d’un prototype en collaboration avec des apprentis de l’Ecole des Métiers de Fribourg. Cette version pilote est disponible en ligne, en passant par le site capsurlaconfiance.ch. «D’ici la fin 2025, nous devrions être en mesure de développer l’application dans sa version complète», précise sa conceptrice. Elle se réjouit qu’un partenariat ait déjà pu être conclu avec l’Unifr. «Pour le reste des fonds, il faudra trouver des soutiens extérieurs.» «Cap ou pas Cap?» est divisée en six phases. La première consiste en une série de cartes contenant des questions qui servent à poser la situation-problème. Dans la deuxième phase, des défis sont proposés: défi dit du quart d’heure vagabond, défi de respiration, défi des émotions et défi de reconfiguration. La troisième phase contient un questionnement inspiré d’exercices de restructuration cognitive visant à penser autrement. La mobilisation du réseau exécutif, qui est celui du contrôle cognitif supérieur, figure au cœur de la phase quatre. Quant aux phases cinq et six, elles sont respectivement centrées sur la sollicitation des idées d’autres joueuses et joueurs et sur le compliment. Mélanie Cotting espère que l’application permettra de contribuer à redonner de l’aplomb à des jeunes en situation de doute, de stress, voire de détresse. Elle estime néanmoins que ce genre d’outils «ne remplacera jamais un accompagnement humain». Justement, ils sont nombreux, ces enfants, adolescent·e·s et jeunes adultes en besoin d’accompagnement. «En l’état, le système scolaire, qui doit bien fixer des normes et des délais, n’encourage pas forcément la confiance en soi.»
- Mélanie Cotting présentera son prototype à Explora le 23.09.2023
- CAS en neurosciences de l’éducation de l’Unifr
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