L’économie au service des politiques publiques

L’économie au service des politiques publiques

Ximena Játiva a obtenu le prix Vigener 2020 de la Faculté des sciences économiques et sociales et du management. Sa thèse de doctorat intitulée «Essays in empirical developement economics» examine les retombées de diverses initiatives politiques dans des pays en développement sous plusieurs latitudes.

L’isolement géographique est souvent considéré comme un facteur de pauvreté. Quand un gouvernement investit pour améliorer ses infrastructures routières et permettre à sa population d’accéder à de nouveaux marchés, on s’attend à observer des effets positifs. Or les mécanismes sont complexes et la réponse est souvent plus nuancée. Pour son travail de doctorat, Ximena Játiva a notamment étudié les répercussions d’un programme de réhabilitation de l’infrastructure routière en Tanzanie, mené entre 2008 et 2013. Ses résultats suggèrent que le désenclavement s’accompagne de nombreux effets collatéraux et que ceux-ci n’ont pas été suffisamment pris en compte. C’est ce type de problématiques qui passionnent Ximena Játiva: la façon dont les choix politiques influencent le bien-être des personnes.

Ximena Játiva, comment vous êtes-vous intéressée à l’économie du développement?
Je suis originaire d’Equateur, un pays considéré comme en voie de développement, et j’ai toujours été captivée par les questions de microéconomie, les problèmes structurels qui impactent directement la vie des gens et agissent sur le taux de pauvreté. L’économie du développement s’intéresse en particulier aux solutions qui permettent de faciliter l’intégration des personnes et des ménages au travail ou aux marchés. Au cours des dix dernières années, les gouvernements de pays en développement ont bénéficié d’une croissance accélérée qui leur a permis de mettre en œuvre des programmes d’amélioration. Dans ma thèse, j’étudie trois de ces initiatives et leurs effets: le projet tanzanien de réhabilitation des routes, les tentatives du gouvernement mexicain pour promouvoir la santé publique, enfin, les politiques indiennes d’intégration sociale visant à favoriser les investissements dans l’éducation.

Les résultats sont en demi-teinte, malgré des investissements colossaux, notamment en Tanzanie. Comment l’expliquez-vous?
Parfois, les politiques conçues pour accroître les échanges ont certains effets négatifs à court terme. Dans les pays en développement, l’agriculture constitue souvent un pilier essentiel pour les ménages ruraux. La connexion aux nouveaux marchés ouvre des opportunités mais pousse aussi les ménages à faire des choix et souvent à délaisser des activités plus traditionnelles comme l’agriculture. La circulation facilitée des biens introduit une concurrence nouvelle et fait pression sur les prix des cultures locales, comme le riz. Ce programme a permis de rénover un réseau important comprenant pas moins de 2’500 km de routes, mais il n’a pas suffisamment pris en compte les bouleversements qu’il entraînait pour des personnes vivant dans une situation de quasi-autarcie.

Au Mexique, vous examinez certains comportements alimentaires que le gouvernement essaie d’influencer, avec des succès limités.
L’attirance des Mexicains pour les boissons sucrées est un problème de santé publique important. Ce pays est l’un des plus touchés par l’obésité, selon les statistiques de l’OCDE. Or il semble que le réchauffement climatique accentue encore ce phénomène. On observe en effet que chaque vague de chaleur occasionne un recours accru à ces bombes caloriques que sont les boissons sucrées et les snacks salés. Le gouvernement a introduit des taxes sur ces produits qui ont un effet quelque peu dissuasif, toutefois insuffisant pour réduire la consommation de boissons sucrées associée aux hausses de température. Les taxes sont un levier important, mais elles doivent s’accompagner d’autres mesures, dans le domaine de la communication et de l’éducation notamment. Pour faire un rapprochement avec le précédent thème: les politiques publiques ne peuvent pas axer leur action uniquement sur un facteur comme l’accessibilité, elles doivent s’appuyer sur une vision plus large et prendre en compte la diversité des paramètres.

Vous avez publié ces recherches à l’occasion de votre doctorat, mais vous les présentez comme work in progress?
En effet, ces recherches continuent, car il y a toujours de nouveaux éléments qui alimentent la réflexion et me poussent à aller plus loin. J’ai aussi régulièrement l’occasion de présenter ces sujets dans des conférences internationales et de me confronter à l’expertise de mes pairs, qui me permettent d’affiner mes méthodes et mes investigations. J’effectue actuellement un mandat de recherche pour l’UNICEF qui concerne l’éducation en Afrique. Mon souhait est de pouvoir continuer à vivre de ma passion pour la recherche en économie du développement.

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  • Site du Département d’économie politique
  • Plus d’informations sur le Prix Vigener

Author

Exerce d’abord sa plume sur des pages culturelles et pédagogiques, puis revient à l’Unifr où elle avait déjà obtenu son Master en lettres. Rédactrice en chef d’Alma & Georges, elle profite de ses heures de travail pour pratiquer trois de ses marottes: écrire, rencontrer des passionnés et partager leurs histoires.

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