Prix Goncourt: trop suisses pour choisir?

Prix Goncourt: trop suisses pour choisir?

Quelques semaines pour lire une quinzaine d’ouvrages, dépasser la théorie pour appliquer un vrai regard critique sur l’actualité littéraire, défendre son point de vue et argumenter au-delà de son premier sentiment: voilà le défi que lance aux étudiants la «Liste Goncourt, le choix de la Suisse». Cinq étudiants fribourgeois partagent avec nous cette expérience hors du commun.

Chères étudiantes, chers étudiants,

La délibération du prix littéraire «la Liste Goncourt/Le choix de la Suisse » se tiendra, comme convenu, le 2 novembre 2016 à l’Ambassade de France en Suisse où se réuniront les délégués des Universités de Fribourg, de Zurich, de Suisse italienne et de Neuchâtel.

– 12 :30 – Accueil et repas à la Brasserie Bärengraben
– 14 :15 – 16 :30 Délibération finale à la Bibliothèque de l’Ambassade de France en Suisse
– 16 :45 – 17 :00 Mise sous pli du nom du lauréat et dépôt dans un coffre-fort

En vous souhaitant des débats passionnés, je vous adresse, chères étudiantes, chers étudiants, mes meilleures salutations.

C’est d’étiquette que l’on parle en arrivant à la Brasserie Bärengraben à 12h33. Aucun des délégués des Universités de Neuchâtel, Zurich et de Berne, déjà attablés, ne nous fait de remarque. L’accueil est chaleureux, on se retrouve après les premiers débats d’octobre: «Je te préviens, chez nous, personne n’a changé d’avis à propos de [titre censuré], mais on soutient plus que jamais [autre titre censuré]!». On s’assied, un peu tendus quand même: «On attend qui?», «Les Tessinois ne viennent pas?». On compte les chaises encore vides: quatre personnes de l’Ambassade doivent nous rejoindre.

Peu après arrivent les quatre représentants du Service de coopération et d’action culturelle de l’Ambassade de France en Suisse. Mouvements autour de la table, on se présente, on redistribue les places. Enfin, on intègre les deux étudiantes de la Suisse italienne qui ont retrouvé leur chemin. L’ambiance est cordiale et détendue – on parle d’études, de l’allemand et de son apprentissage, des différents statuts des patois, des actions culturelles en France ou en Suisse, du système de la formation des élites en France, du calme bernois, …

Le déplacement se fait ensuite  sous la forme d’une balade digestive, avant de montrer carte bleutée pour passer sous le portique de sécurité à l’entrée de l’Ambassade. Il est 14h15 passé. On s’installe dans la bibliothèque, on se fait tirer le portrait – ou «comment avoir l’air sérieuse, détendue, harmonieuse, fiable et sympathique en 1/1000e de seconde? Qui enseigne ça?»  –, quelques directives et la porte se ferme sur notre cénacle. On commence par distribuer les cafés.

Débat final
Timidement, on débute par un tour de table, durant lequel chaque délégation dévoile ses trois favoris et explique en deux mots son choix. Déjà, des questions et des objections sont lancées, mais la communauté veille: «On termine le tour de table!»
Et puis on parle. D’abord on argumente, on explique, on s’explique, on déballe son arsenal de notes. Ma grande difficulté est toute énonciative: comment me faire la digne porte-parole de mes camarades fribourgeois, comment rester convaincante et personnellement investie sans pour autant tomber dans le piège de rendre froidement compte de l’avis des autres, ou dans celui de défendre mes choix avec trop de verbe? Comment insérer la bonne dose de «je» dans «nous»?
«- Qu’est-ce qu’on veut dire avec ce prix?»
– [titre censuré]!
– Est-ce que ça se récompense, un premier roman? Ils ont une catégorie spéciale.
– Non!
– C’est impossible de se couper totalement de son expérience de lecture subjective et émotionnelle!
– Oui!
– Mais la vie de l’auteur, mais l’œuvre précédente, fournie ou inexistante, monothématique ou foisonnante, on s’en fiche au moment d’élire un ouvrage de qualité!
– [titre censuré]!
– Non!
– Oui!
Sur sept livres encore en lice, le simple fait de recouper les trios de favoris en a éliminé cinq; le nœud du débat a deux fils, chaque lecteur un seul vœu. Alors on crie. Une majorité se détache, mais le livre minoré a le privilège de n’avoir pas d’attaquants fervents, seulement des opposants. Cela suffit-il à faire un gagnant? Serions-nous trop «suisses» de nous arrêter sur le livre qui fait le moins de vagues sans pour autant briller? Suisses quand même, on applique les principes démocratiques, tout en discutant encore les raisons et les sentiments.

On note ensuite avec application le titre gagnant, on le met sous pli et la signature que l’on impose sur l’enveloppe scelle également nos bouches. On ne dira rien avant mardi. A personne. C’est une longue semaine de résistance et de vigilance qui nous attend!

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Lancée l’an dernier à l’instigation du Professeur Robert Kopp, la «Liste Goncourt, le choix de la Suisse» ​reçoit le soutien de l’Académie Goncourt, de l’Ambassade de France en Suisse, de l’Agence universitaire de la Francophonie, de la librairie Payot et de la Fondation Catherine Gide.
Cette année, cinq universités suisses se sont laissé séduire par ce projet qui promeut tant la lecture que les littératures françaises et francophones. Grâce à leur motivation et à l’engagement des Professeurs ​Regina Bollhalder, Thomas Hunkeler, Thomas Klinkert et Loris Petris, les étudiants des Universités de la Suisse italienne, de Berne, de Fribourg, de Zurich et de Neuchâtel vont débattre et élire leur lauréat à partir de la liste établie par l’Académie Goncourt. Le vainqueur sera dévoilé le 8 novembre à Berne, en présence de l’ambassadeur de France et d’un membre de l’Académie Goncourt.

 

 

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Author

Est étudiante de bachelor en Français et en Philosophie. Elle aime comprendre les choses et les lier entre elles. Dans un livre, sur une scène, sur un écran ou sur un tableau, elle aime s'emparer des histoires. ​

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