Publié le 15.03.2019

Comment notre cerveau interprète ce que nous voyons.


Une équipe de chercheurs des Universités de Fribourg et de Vérone a étudié deux biais inconscients – et opposés – dans notre interprétation des informations visuelles. Il s’agit d’une part de la tendance à amplifier les différences entre des objets semblables, d’autre part d’une tendance à les gommer. Le premier biais nous conduit à surestimer les différences entre deux images proches, le second à les considérer à tort comme identiques. Grâce à des expériences conduites avec des volontaires, les chercheurs ont compris que le premier biais est associé au traitement du signal visuel par le cerveau, alors que le second intervient plus tard, au niveau de la prise de décision.

“La vision cherche la nouveauté, la décision privilégie la continuité”. 

Ces deux biais de perception sont connus des spécialistes mais on les pensait tout deux liés au traitement des données visuelles par le cerveau.  Grâce à une série de huit expériences effectuées avec des volontaires, le Dr David Pascucci de l’Université de Fribourg et ses collègues ont montré que ces étapes, toutes deux inconscientes, impliquent des phases différentes et successives de la perception. Si la tendance à amplifier les différences est bien associée au traitement visuel, le fait de les minimiser intervient au niveau de la prise de décision, plus proche de la conscience. Comme l’indique le sous-titre de l’article scientifique, “la vision cherche la nouveauté, la décision privilégie la continuité“.

Nous sommes persuadés que nos yeux nous transmettent une réplique en haute-fidélité du monde environnant. Pourtant, notre expérience de la vision est constamment contaminée par ce que nous avons vu auparavant. Notre perception visuelle accentue les différences, un phénomène qui explique de très nombreuses illusions d’optique. Il suffit par exemple de fixer longuement un point rouge sur fond blanc pour voir ensuite un fantôme de tache bleue-verte sur une feuille entièrement blanche. Cet effet d’exagération des différences n’affecte pas que les couleurs, mais aussi les orientations, le mouvement, et la plupart des informations visuelles. Après avoir fixé longuement une chute d’eau par exemple, on aura l’illusion de voir le paysage couler vers le haut.

Les chercheurs ont montré que nous avons aussi tendance à gommer les différences visuelles. Ceci explique que les spectateurs ne remarquent que très rarement les « erreurs de raccord » qui émaillent pourtant la plupart des films – véhicules qui changent de position, tasses qui disparaissent ou qui changent de main.

En pratique, les chercheurs ont montré à des volontaires sur un écran des séries d’images avec des rainures dans différentes orientations, puis leur ont demandé d’estimer l’orientation des rainures dans certaines d’entre elles. Ils ont ensuite mesuré comment l’historique des images présentées influençait les estimations des volontaires, en d’autres termes, comment le passé récent modifiait la perception du présent. 

“Chaque expérience de perception est influencée par ces deux forces opposées, explique David Pascucci. Nous avons démontré que les deux biais de perception sont associés à des étapes différentes dans l’interprétation de l’information visuelle. La tendance à exagérer les différences est proche de la vision, alors que la tendance à gommer les différences est plus proche de la conscience, au niveau de la prise de décision."

Mieux comprendre ces biais de perception peut avoir des applications importantes. On pense à des domaines comme l’analyse d’images médicales ou le contrôle aérien, où des décisions importantes doivent être prises à partir de la comparaison entre images. 

Lien: 

Pascucci D, Mancuso G, Santandrea E, Della Libera C, Plomp G, Chelazzi L (2019) Laws of concatenated perception: Vision goes for novelty, decisions for perseverance. PLoS Biol 17,3