Publié le 26.11.2018
Comment les organismes évoluent pour vivre plus longtemps
Comment l'évolution détermine-t-elle la durée de vie des organismes ? Cette question préoccupe profondément les humains, car nous vivons maintenant deux fois plus longtemps que nos ancêtres préhistoriques et nous cherchons non seulement à prolonger notre espérance de vie, mais aussi à rester en bonne santé plus longtemps.
Une équipe dirigée par le Professeur Thomas Flatt de l'Université de Fribourg vient de publier les résultats d'une importante étude sur l'évolution de la longévité, basée sur l'analyse génétique des mouches drosophiles. L'étude montre que le système immunitaire joue un rôle clé dans l'allongement de la durée de vie naturelle de ces insectes.
Une sélection longue et rigoureuse
Les drosophiles, ou mouches du vinaigre, partagent de nombreux mécanismes moléculaires et génétiques avec les vertébrés et les humains. Elles sont largement utilisées pour les études moléculaires des animaux en général, car elles ne vivent qu'un ou deux mois et sont relativement faciles à élever. Les chercheurs ont utilisé des mouches sélectionnées avec soin depuis plus de 35 années pour une durée de vie accrue, ce qui représente plus de 200 générations de mouches. En termes humains, cela reviendrait à sélectionner constamment les familles qui vivent le plus longtemps, depuis l'époque des Pharaons. Un si grand nombre de générations a aidé les chercheurs à commencer à voir les effets à long terme de l'évolution par sélection au niveau génétique.
Comme c'est le cas chez les humains, le système immunitaire des mouches s'affaiblit considérablement avec l'âge, ce qui les rend beaucoup plus vulnérables aux infections lorsqu'elles sont âgées et fragiles. L'étude montre que chez les drosophiles à longue durée de vie, cette détérioration du système immunitaire avec l'âge est pratiquement éliminée : la capacité des mouches à combattre les infections reste élevée toute leur vie, même quand elles sont âgées.
Renforcer le système immunitaire pour vivre plus longtemps
"Nous avons été très surpris par ces résultats. Nous pensions que les mouches à longue durée de vie montreraient des changements dans des gènes dont on connaît l’influence sur le vieillissement, comme ceux qui contrôlent la physiologie de l'insuline", explique Thomas Flatt. "Au lieu de cela, nous avons constaté de fortes modifications dans les gènes impliqués dans l'immunité. Notre étude est l'une des premières à démontrer que le chemin de l'évolution vers une vie plus longue pourrait passer par une amélioration du système immunitaire ".
On peut se demander pourquoi les organismes dans la nature n’ont pas tous évolué pour renforcer leur système immunitaire et vivre plus longtemps. La raison probable est que le maintien du système immunitaire est très coûteux énergie, et que l'amélioration de la résistance durant la vieillesse se fait au détriment de la vigueur pendant la jeunesse. En effet, bien que les mouches à longue durée de vie soient plus aptes à combattre les infections, elles ont une fécondité réduite quand elles sont jeunes. Ainsi, dans la nature, où la durée de vie est limitée par les prédateurs et d’autres dangers, une stratégie de " vivre vite, mourir jeune " est généralement privilégiée.
Cette recherche a-t-elle un impact sur les humains ? "C’est encore trop tôt pour le dire, dit Thomas Flatt, mais il est intéressant de noter que les centenaires ont généralement un système immunitaire amélioré et souffrent moins d'inflammations chroniques que les personnes qui ne vivent pas aussi longtemps. Je ne serais pas du tout surpris si on découvrait des mécanismes similaires chez les mouches et les humains".
Les premiers auteurs de l'article sont Daniel Fabian (Cambridge) et Kathrin Garschall (Bergen), deux anciens doctorants du Professeur Flatt, qui a rejoint le Département de biologie de l'UniFR en 2017. Le Département a d’ailleurs connu plusieurs autres succès cette année, dont les prestigieuses Starting Grants ERC à Stefano Vanni et Nathalie Stroeymeyt, ainsi qu’une bourse PRIMA du FNS à Adria LeBoeuf.
Liens:
"Evolution of longevity improves immunity in Drosophila" dans Evolution Letters
Q&A with Prof. Thomas Flatt pour une discussion plus technique (Evolution Letters Blog).