Publié le 09.02.2023

Netflix peut-il vous empêcher de dormir sur vos deux oreilles?


Regarder des séries télévisées à suspense avec des cliffhangers avant de dormir n’a que des effets mineurs sur le sommeil. C’est ce qu’ont démontré des scientifiques de l’Université de Fribourg. L’étude révèle ce qui se passe dans notre cerveau quand nous dormons après une séance de binge-watching.

Binge-watcher des séries télévisées à suspense avant de dormir a-t-il un réel impact sur notre sommeil? C’est la question que se sont posée les Professeurs Björn Rasch et Andreas Fahr de l’Université de Fribourg, dans le cadre d’un projet intitulé «Excessive Media Use in Times of Netflix» (L’usage excessif des médias aux temps de Netflix), financé par le Fonds national suisse (FNS). Ils ont étudié le nouveau phénomène du binge-watching de séries, les motivations et expériences sous-jacentes, ainsi que les effets sur le sommeil. Dans une étude publiée récemment dans la revue Sleep Medicine, ils se sont particulièrement intéressés à l’effet excitant de cette activité sur le sommeil.

Les cliffhangers augmentent l’excitation avant de dormir
Un sentiment d’excitation est associé à davantage de difficultés à dormir, à un temps d’endormissement plus long ou à un sommeil plus fragmenté. En effet, les symptômes de l’excitation, comme par exemple l’accélération du rythme cardiaque ou les ruminations, sont totalement opposés aux états physiques et mentaux qui favorisent un sommeil de bonne qualité. L’étude récemment publiée, montre que binge-watcher une série à suspense avant de se coucher augmente le sentiment de stress. Cependant, les aspects physiologiques de l’excitation, tels que l’augmentation du rythme cardiaque et du niveau de cortisol, ne sont observés que lorsque la série se termine par un cliffhanger», explique Sandrine Baselgia, doctorante au Département de psychologie.

Uniquement des effets mineurs sur le sommeil
50 jeunes dormeuses et dormeurs en bonne santé ont participé à l’étude de l’Unifr. Elles et ils ont passé deux nuits dans un laboratoire du sommeil. Une nuit, ils ont regardé 3-4 épisodes d’une série télévisée à suspense avant d’aller se coucher. L’autre, elles et ils ont regardé une série documentaire neutre, pendant le même laps de temps avant d’aller dormir. Pour un groupe de participant·e·s, la série à suspense se terminait par un cliffhanger juste avant de s'endormir, tandis que pour l'autre groupe, la fin de la série à suspense était manipulée pour se terminer dans une situation calme. Pour mesurer objectivement leur sommeil, l'activité électrique de leur cerveau a été mesurée à l'aide d'un électroencéphalogramme (EEG). L'accent a été mis sur le temps nécessaire pour s'endormir et la qualité du sommeil. Cette dernière a été mesurée à la fois subjectivement – selon le rapport des participant·e·s le lendemain matin – et objectivement – avec la quantité de sommeil profond et le ratio entre les oscillations lentes et rapides de l'EEG, un ratio plus élevé indiquant un sommeil plus réparateur.

Malgré la nette augmentation de l'excitation avant le sommeil, Sandrine Baselgia et Björn Rasch ont ainsi montré que les effets d’une série à suspense sur la qualité du sommeil n’étaient pas très différents de ceux d’un documentaire neutre. Les différences dans l'évaluation subjective de la qualité du sommeil n'étaient que mineures. A la surprise des scientifiques, la latence d'endormissement a même été réduite de manière significative après la série. Par contre, il a aussi été observé que les sujets testés passent moins de temps en sommeil profond lorsque la série se termine par un cliffhanger, par rapport à une série qui n’en présente pas. Cet effet était particulièrement visible dans les deux premiers cycles de sommeil (environ trois heures). Le même résultat apparaît dans les oscillations de l'EEG: le ratio entre les ondes lentes et rapides est plus faible après le binge-watching d'une série à suspense se terminant par un cliffhanger par rapport à une série sans et au documentaire neutre, ce qui indique un sommeil moins réparateur.

Arrêter avant le cliffhanger
«Nous supposons que le suspense associé aux fins ouvertes après avoir regardé des séries télévisées avec cliffhanger est spontanément réactivé pendant le sommeil. Cette réactivation pourrait déclencher les fonctions corporelles associées et les régions du cerveau favorisant l'éveil, réduisant ainsi la profondeur du sommeil», explique Björn Rasch. Plus important encore, les résultats de l'étude montrent que les séries télévisées se terminant par un cliffhanger peuvent augmenter l'excitation et réduire la fonction de récupération du sommeil. Par conséquent, il est recommandé de réduire l'utilisation des cliffhangers dans les séries télévisées ou, au moins, d'arrêter l'épisode avant, si l’on veut profiter d’un sommeil sain.

Baselgia S., Combertaldi S.L., Fahr A., Wirz D.S., Ort A. & Rasch B.: Pre-sleep arousal induced by suspenseful series and cliffhangers have only minor effects on sleep: A sleep laboratory studySleep Medicine, 102. 2023