Andrographis paniculata: un complément prisé, mais pas sans risques

Andrographis paniculata: un complément prisé, mais pas sans risques

La chirette verte (Andrographis paniculata) est une plante entrant dans la composition de compléments alimentaires prescrits en cas de problèmes respiratoires. En voulant mener une étude clinique sur ses propriétés thérapeutiques, Angélique Bourqui et ses collègues de l’Institut de médecine de famille de l’Université de Fribourg ont découvert que la majorité des produits à base d’Andrographis paniculata vendus en Suisse, en Europe et en Amérique du Nord sont de qualité médiocre. Pire, ils peuvent être contaminés par des substances toxiques.

C’est une plante utilisée depuis des siècles en médecine chinoise et ayurvédique, mais qui a surtout commencé à se faire un nom chez nous durant la pandémie de COVID-19. La chirette verte (Andrographis paniculata) aurait des vertus pour traiter certaines affections respiratoires. Conditionnel de rigueur puisqu’il manque d’études cliniques suffisamment robustes pour en être tout à fait certain. «C’est une plante que nous savions très prometteuse, raison pour laquelle nous souhaitions déterminer si elle pouvait s’avérer utile dans le traitement de la bronchite», explique Angélique Bourqui, doctorante à l’Institut de médecine de famille de l’Université de Fribourg. Or, en Suisse, il n’existe actuellement aucun médicament à base d’Andrographis paniculata reconnu par Swissmedic, condition indispensable pour mener des tests cliniques. Avec le soutien de Clara Podmore et de Pierre-Yves Rodondi, ses collègues de l’Institut de médecine de famille, elle décide alors de se rabattre sur des compléments alimentaires disponibles en Suisse. «Or, ces derniers ne sont pas soumis à un contrôle systématique avant leur mise sur le marché, rappelle Angélique Bourqui, nous avons donc dû en évaluer la qualité de manière approfondie avant d’envisager leur utilisation dans un essai clinique.»

Des résultats décevants
Pour ce faire, l’équipe de l’Université de Fribourg s’est rendue chez un premier fabricant de ce complément alimentaire. «Là, nous avons tout de suite remarqué qu’il y avait un problème, se remémore Angélique Bourqui, le procédé d’extraction de l’Andrographis paniculata me semblait inapproprié. Pour aggraver le tout, la société ne connaissait pas le producteur de la chirette verte, ce qui rendait le produit intraçable.»

Malgré tout, l’équipe de l’Université de Fribourg envoie, pour analyses, ce complément alimentaire au laboratoire de Produits Naturels et de Phytochimie de l’Université de Genève. Le résultat tombe, sans appel: il s’avère que le complément alimentaire est largement sous-dosé! Il n’en faut pas plus pour convaincre les chercheuses et chercheurs fribourgeois·es de creuser le sujet. Fort du soutien de la Fondation Leenaards, ils font appel à l’expertise de Chantal Csajka, directrice du Centre de Recherche et d’Innovation en Sciences Pharmaceutiques du CHUV, ainsi que d’Emerson Ferreira Queiroz et de Jean-Luc Wolfender du laboratoire de phytochimie et produits naturels bioactifs de l’Université de Genève.

Une enquête internationale
Désireux d’élargir le champ de leurs investigations, nos «enquêteurs·trices» procèdent à l’achat de produits à base d’Andrographis paniculata dans des pharmacies situées dans 13 pays différents et chez 27 fournisseurs en ligne. Rebelote: « Sur 40 produits analysés, très peu correspondaient à ce qui était indiqué sur l’étiquette. Plus préoccupant encore, certains échantillons achetés en ligne contenaient des pesticides interdits en Europe, ainsi que des métaux lourds en quantités non-négligeables», explique Clara Podmore, cheffe de l’unité de recherche de l’Institut de médecine de famille. Pour Pierre-Yves Rodondi, directeur de l’Institut de médecine de famille, ces pratiques ne sont pas acceptables : «D’un côté, il y a les médicaments, très régulés, et, de l’autre, des produits à base de plante avec un contrôle minimal avant leur mise sur le marché.»

Cet état de fait aboutit à une situation pour le moins paradoxal: sur simple conseil de leur thérapeute, les patient·e·s peuvent ingérer des compléments alimentaires à base d’Andrographis paniculata, tandis que les scientifiques ne peuvent les étudier de manière clinique puisqu’ils n’ont pas été fabriqués selon les normes requises. »

Message pour les autorités et la population
Surpris·e·s par l’ampleur de ces résultats, les chercheurs·euses préconisent un renforcement des contrôles de qualité et la mise en place de systèmes de certification indépendants, afin de garantir la composition et la pureté des produits.

De plus, ils proposent d’adapter le cadre législatif de sorte à pouvoir plus facilement effectuer de la recherche clinique sur ces substances. Selon Pierre-Yves Rodondi, interdire purement et simplement la délivrance de ces produits en Suisse serait contre-productif puisque certaines plantes ont des effets cliniques prometteurs et que l’interdiction pourrait facilement être contournée.

«Il y a tromperie sur la marchandise quand des compléments alimentaires sont mal dosés. Pire, il y a une dangerosité potentielle quand ceux-ci contiennent des substances toxiques, telles que la strychnine ou le mercure», relève Clara Podmore. Son conseil? «Evitez d’acheter des produits en ligne, et surtout, que vous soyez médecins ou patient·e·s, rappelez-vous que ce n’est pas parce que des produits sont dits ‘naturels’ qu’ils sont inoffensifs!»

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The long and winding road! Après un détour par l'archéologie, l'alpage, l'enseignement du français et le journalisme, Christian travaille depuis l'été 2015 dans notre belle Université. Son plaisir de rédacteur en ligne? Rencontrer, discuter, comprendre, vulgariser et par-ta-ger!

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