Tels les parents du divin enfant, les membres de Pro Ethnographica cherchent déséspérement un nouveau toit pour accueillir la prunelle de leur yeux, une collection ethnographique de plus de 2800 pièces. Glânés aux quatre coins de la planète par les premiers anthropologues de l’Université de Fribourg, puis stockés durant des décennies dans les sous-sols de Miséricorde, ces objets avaient finalement trouvé refuge dans les anciennes prisons du château de Bulle. Malheureusement, dans quelques mois déjà, le bail arrivera à son terme. Milena Rossi, présidente de Pro Ethnographica, tire la sonnette d’alarme.
Trois ans après votre installation au château de Bulle, vous allez devoir évacuer les lieux. Que va-t-il advenir des 2000 objets de la collection si aucune solution n’est trouvée?
Les objets seront de toutes manières conservés, quoi qu’il arrive. Le worst case scénario étant un dépôt ou compactus. Ils ne seront ni vendus (pas de mon vivant en tout cas!) ni dispersés. Sinon nous aurions fait tout cela pour rien. Nous pouvons bien entendu faire un prêt «longue durée» pour un musée, qui a des liens thématiques avec nous afin que les objets soient valorisés et montrés.
L’ancienne prison de Bulle constituait une solution temporaire, n’a-t-il pas été possible de trouver une alternative viable entre-temps?
Comme souvent, il y a beaucoup de discussions et d’intérêt, et ce depuis longtemps, mais lorsque les choses deviennent concrètes, c’est un peu plus difficile. Et c’est normal car ce sont des engagements importants pour ceux qui les prennent, enfin surtout pour les institutions qui nous accueilleraient. La Suisse est un des pays qui compte le plus de collections et nous ne sommes donc pas les seuls à avoir envie d’avoir un espace à nous. Les dépôts des musées sont pleins et ces derniers n’exposent en général que 2 % de leur réserve.
Depuis que vous avez récupéré ces collections ethnographiques, quel a été le travail effectué par Pro Ethnographica?
Nous avons obtenu près de CHF 200 000.- de l’Office Fédéral de la Culture et de la Loterie Romande, ce qui n’est pas peu, pour un projet de recherche de provenance. Nous avons confié cette mission au Cabinet Lange & Schmutz, auquel l’argent revient en transitant par Pro Ethnographica. Ça a été une belle victoire que d’obtenir ce soutien financier pour lequel nous sommes très reconnaissants. Les élèves de la Haute Ecole de Neuchâtel (ARC) rénovent nos objets, ce qui est une situation gagnant-gagnant pour eux et nous. Nous tenons informés notre «fan club» avec la publication de notre Gazette, petit journal digital, qui paraît environ trois fois l’an. Nous avons aussi publié le très bel ouvrage du Professeur François Ruegg, avec une ligne de publication dans la maison d’édition Kment Verlag. D’autres ouvrages suivront. N’oublions pas de mentionner notre site web : https://www.proethnographica.ch
Que vous reste-t-il à faire?
Nous ne nous fixons pas de limites hormis celles que nous imposent nos ressources en temps. Les membres du comité ne sont pas payés. Pour prendre mon exemple, je suis la Présidente mais je travaille à 80 % au théâtre des marionnettes à Genève. Ça nous laisse peu de temps pour toutes nos ambitions, donc nous avançons au coup par coup. Nous avons la chance de bénéficier en la personne de Sylvia Hobbs d’une collaboratrice pour quelques temps. Je suis toujours impressionnée du chemin qui a été accompli par la seule volonté et force de notre comité. C’est une équipe remarquable!
Pour jeter une bouteille à la mer, quel est l’endroit de vos rêves pour accueillir les collections de Pro Ethnographica?
Le plus important sont les conditions de conservation (pas d’humidité ou autre moisissure), pour une surface d’environ 200 m2, ça dépend si les objets sont exposés ou en étagère. En ce qui concerne le lieu, nous ne sommes pas liés géographiquement au Canton de Fribourg selon nos statuts. Le mieux serait bien entendu que les objets soient visibles mais une solution de dépôt avec accès peut bien entendu être envisagée. Le plus important pour nous est d’éviter des coûts fixes trop élevés pour investir notre budget dans de la recherche ou autres. Si nous avons des dépenses fixes, il nous faudrait plus de revenus et donc facturer des tickets d’entrée, mais alors là, on s’éloigne souvent de la fameuse «mission pédagogique» des institutions de recherche. Et la recherche, c’est quand même un peu dans notre ADN, vu que la collection venait de l’Université de Fribourg. Pour conclure, j’ai vraiment le sentiment, et c’est peut-être un peu présomptueux de ma part, que tout le monde «aime» Pro Ethnographica et nous soutient. Il faut juste trouver le «chemin».
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