Franz Mali revient tout juste d’un voyage à Erbil, capitale du Kurdistan irakien. Le professeur de patristique y a donné un cours au Babel College for Philosophy & Theology, un institut qui a survécu aux horreurs de Daesh.
C’est un établissement dont on ne trouve presque aucune trace sur le web, mais dont l’existence, à défaut d’être virtuelle, est aussi réelle que miraculeuse. Fondé à Bagdad en 1991, alors que le pays émergeait à peine de la première guerre du Golfe, le Babel College for Philosophy & Theology est l’unique faculté de théologie de confession chrétienne du pays. Son histoire, bien que brève, a déjà connu de nombreux rebondissements. L’invasion de l’Irak par la coalition américaine en 2003, la chute de Saddam Hussein et le chaos qui ont suivi l’ont obligé à fuir Bagdad. «Al-Qaïda a tué l’un des portiers, explique Franz Mali, raison pour laquelle l’institution a déménagé du jour au lendemain à Erbil, dans le Kurdistan irakien, région moins dangereuse et qui abrite des communautés chrétiennes.»
Convention avec l’Université de Fribourg
Etabli depuis 2006 dans le quartier d’Ankawa dans la banlieue d’Erbil, le Babel College a perdu plus de la moitié de ses effectifs suite au conflit. «Lors de mon premier voyage, il y avait entre 150 et 200 étudiant·e·s, ils ne sont plus qu’une cinquantaine aujourd’hui», déplore Franz Mali. Dans les premiers temps, des sous-sols ont servi de salles de classe, tandis que les étudiant·e·s ont dû se débrouiller pour trouver des logements. Aujourd’hui, l’Institut est reconnu par l’Université pontificale urbanienne de Rome, spécialisée dans la formation du clergé et des étudiant·e·s, ce qui lui confère une reconnaissance internationale.
Une convention lie l’institution irakienne à la Faculté de théologie de l’Université de Fribourg. Celle-ci prévoit des échanges entre étudiant·e·s et enseignant·e·s. «C’est Lusia Shammas Markos qui en est l’instigatrice. A l’époque, alors qu’elle était doctorante chez nous, elle a appelé de ses vœux une collaboration entre les deux institutions, se remémore Franz Mali, plusieurs enseignant·e·s sont venus à Fribourg pour donner des conférences, mais il n’y a eu encore aucun échange d’étudiant·e·s. » La collaboration s’avère toutefois difficile, en raison de la barrière de la langue. L’arabe est la langue d’enseignement du Babel College et rares sont les étudiant·e·s qui maîtrisent l’anglais.
Projets d’avenir
Sous l’impulsion de Bashar Warda, l’archevêque catholique chaldéen d’Erbil, une nouvelle université y a été fondé en 2016. Celle-ci compte 280 étudiant·e·s, aussi bien musulman·e·s que chrétien·ne·s. L’ambition est de voir ce nombre doubler lors de la prochaine rentrée. « Bashar Warda souhaite créer une université complète, dans laquelle serait intégré le Babel College. Je pense que, sous sa houlette, c’est un objectif réalisable. Cet archevêque est si énergique. Il est convaincu que l’éducation est le meilleur moyen pour combattre la radicalisation.»
Un optimisme indispensable tandis que, dans la région, les canons ne se sont pas complètement tus. La semaine dernière, plusieurs missiles iraniens se sont abattus sur le consulat américain d’Erbil. «Quelques jours auparavant, nous buvions un café à une centaine de mètres de là, s’émeut Franz Mali, c’est étrange.»
Champs de ruine
Suite aux guerres successives et aux persécutions de Daesh, l’Irak s’est vidée de plus de la moitié de ses chrétien·ne·s. Désormais établis en Europe ou aux Etats-Unis, peu parmi ces réfugiés envisagent un retour dans une contrée pareillement dévastée par le conflit. «J’ai visité des villes détruites, en particulier les localités chrétiennes, témoigne Franz Mali. Malgré le chômage endémique et l’instabilité politique, quelques familles issues de la diaspora y sont tout de même revenues et ont entrepris de reconstruire leur maison détruite. Ce retour requiert énormément de moyens financiers et de courage.» Il va sans dire qu’il faut aussi être bardé d’un optimisme inoxydable et d’une force de résilience hors du commun, dont les chrétien·ne·s d’Irak semblent être généreusement pourvus. Franz Mali en veut pour preuve la visite qu’il a effectuée à Mossoul en compagnie de l’archevêque chaldéen de la ville, Mons. Najeeb: «Il m’a montré son église en s’exclamant ‹Elle est belle, non?!›. Malgré sa destruction, elle est restée remarquable à ses yeux.»
- Photo de une: Babel College, © Jean-Jacques Meylan
- Photos de l’église détruite dans la Plaine de Ninive et du prêtre chaldéen Ghazwan Shahara © Raphaël Zbinden/cath.ch
- Page de Franz Mali
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