Au cœur de l’Université de Fribourg, le musée Bible+Orient fête ses 20 ans. L’occasion d’une journée de conférences en collaboration avec l’Institut du monde antique et byzantin afin de montrer les liens entre ses riches collections et la recherche. Et parmi les objets choisis pour cette journée, un papyrus inédit…
C’est un entrelacement serré de fibres jaunâtres, troué par endroits et marqué de lettres noires. Impression étrange, émouvante, devant ces caractères grecs parfaitement visibles tracés par un scribe voilà plus de 1500 ans. «Ce papyrus est exceptionnel au vu de son état de conservation», commente Laura Ecoffey. Ancienne étudiante en philologie classique à l’Université de Fribourg, elle a réalisé son travail de master sur cette pièce datée du milieu du IIe au début du IIIe siècle après J.-C.
Ce papyrus, de la taille d’une de nos feuilles standard d’aujourd’hui, figure dans un lot légué au musée par un collectionneur privé. Il provient d’Egypte, mais son origine exacte demeure inconnue. «Il pourrait s’agir du site d’Oxyrhynchus», avance Thomas Schmidt, Professeur ordinaire de philologie classique qui a supervisé les investigations de Laura Ecoffey. La Fribourgeoise est revenue récemment sur ses recherches, lors d’une journée marquant les 20 ans du Musée Bible+Orient organisée en collaboration avec l’Institut du monde antique et byzantin (IAB) de l’Université de Fribourg.
Inventaires de toute sorte
Le papyrus, sur deux colonnes, détaille une liste d’objets d’usage courant (armoire, coffre, plateau, miroir, etc.). «Il s’agit très certainement d’un inventaire, mais nous n’en connaissons pas la fonction exacte», explique Laura Ecoffey. Par le vocabulaire utilisé, les objets renvoient au contexte tant domestique que sacré. «Ils recouvrent les mêmes fonctions», fait-elle remarquer, émettant l’hypothèse d’un riche mobilier sacré, comme l’inventaire d’un temple ou d’un sanctuaire. «Il pourrait tout aussi bien s’agir de l’inventaire du mobilier d’un temple que de l’inventaire de biens mis en dépôt dans un temple», précise Thomas Schmidt.
Le spécialiste en papyrologie relève que de tels inventaires sont assez courants dans les papyri trouvés en Egypte. Il s’agissait de listes de propriété, de contrats de vente ou de location, de déclarations d’impôts, de reconnaissances de dettes, déclarations de vol, de dots de mariage, d’héritages, etc. Or, si le présent inventaire évoque un mobilier cultuel, il faut garder à l’esprit que les temples, durant l’Antiquité, étaient loin d’être dévolus à la seule fonction cultuelle. Ils représentaient des acteurs économiques majeurs dans leur région, générant des revenus par toutes sortes d’activités et de services.
De riches collections
Exposé parmi d’autres objets derrière une vitrine du Musée Bible+Orient, ce papyrus était l’une des pièces mises en avant pour cette journée. Le musée, installé au sein de l’Université de Fribourg, compte près de 15 000 objets dans ses collections, des pièces antiques provenant pour l’essentiel du Proche-Orient: amulettes, scarabées, tablettes d’argiles, statuettes en bronze ou encore céramiques. 
Si la fondation Bible+Orient a vu le jour en 2005, la première exposition dans les couloirs de l’Université remonte en fait à 1999. Il s’agissait alors d’une vitrine installée dans le hall d’honneur par le rectorat. Les objets provenaient du bureau du théologien et spécialiste du monde biblique Othmar Keel, qui a été prof. ordinaire à Fribourg de 1977 à 2002. Collectionneur chevronné à partir des années 1960, il commençait à se sentir à l’étroit dans son bureau, ses précieux trésors emplissant l’espace au fil des ans.
Le musée Bible+Orient n’est pas le seul jubilaire cette année. L’Institut du monde antique et byzantin (IAB) fête en effet ses 15 ans d’existence. Les deux structures sont intimement liées. «Nous pouvons compter l’une et l’autre sur une collaboration précieuse, tant au niveau des objets que de la recherche» a salué la directrice actuelle de l’IAB, Béatrice Lienemann, Professeure ordinaire en philosophie antique.
Cette journée, à laquelle a participé une soixantaine de personnes, avait pour but de monter les liens entre collections du musée et diversité de la recherche. Parmi les objets présentés, des lécythes, des monnaies byzantines et de Jérusalem, un fragment de parchemin copte de l’Antiquité tardive. Autant de portes d’entrée vers la patristique, l’histoire de l’Antiquité, la philosophie classique, l’archéologie, les études byzantines ou encore le droit romain.
Le diplôme d’un vétéran
Pascal Pichonnaz, Professeur ordinaire de la chaire de droit privé et de droit romain, est ainsi revenu sur un diplôme militaire, daté très précisément du 10 février de l’an 158 après J.-C. Une plaque de plomb composée de fragments mentionnant un soldat thrace, nommé Aulutralis, mis à la retraite après 25 ans de loyaux services pour l’Empire. Selon la procédure, le vétéran, avec d’autres, s’était vu accorder la citoyenneté romaine par décret impérial.
L’occasion pour Pascal Pichonnaz de revenir sur le droit romain, qui était stratifié, et distinguait notamment le droit des gens (ius gentium), auquel «tous les peuples» étaient soumis, et le droit civil (ius civile), qui concernait les seuls citoyens romains. Là où le droit civil était «plus développé et plus précis», mais aussi plus statique, le droit des gens permettait quant à lui le contact avec ceux que l’on considérait juridiquement comme les «étrangers».
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