Du Congo à l’Université de Fribourg, le nouvel aumônier catholique Fortunat Badimuene Tshiaba se dit témoin du Christ et compagnon des hommes. Son credo: accueillir l’autre, quel qu’il soit, dans le respect mutuel.
«Je me souviens, c’était un Jésus avec des bras grands ouverts. On l’appelle le Jésus accueillant.» A l’entrée principale du petit séminaire de Kabue, en République démocratique du Congo, l’image a marqué Fortunat Badimuene Tshiaba. A la fin des années 1990, le jeune séminariste hésitait entre le droit et la vocation sacerdotale. Il choisira la seconde, porté par l’image de ce Christ inclusif et ouvert sur le monde qui continue de l’inspirer aujourd’hui.
A 38 ans, la mine chaleureuse dépassant du col romain, l’homme revient sur son parcours autour d’un café à la Mensa de Miséricorde. Au fond, un itinéraire de vie tant intérieur que géographique. Prêtre catholique diocésain, Fortunat Badimuene Tshiaba dépend toujours de son diocèse d’origine de Luebo. Il est aussi théologien, effectuant un doctorat en patristique à l’Université de Fribourg.
Cet automne, il a rejoint l’équipe de l’aumônerie de l’Université. Un mandat de cinq ans qu’il démarre aux côtés de Tania Guillaume, pasteure réformée, et de Martin Bergers, assistant pastoral catholique germanophone. Il apprécie cette diversité. «Chacun et chacune apporte sa touche, dans l’écoute et le respect mutuel. Entre chrétien·ne·s, on peut se mettre ensemble, car plus on approfondit la parole de Dieu, plus les barrières tombent.»
Un compagnon
Apôtre dans la vie comme dans les couloirs de l’Université, le nouvel aumônier entend aborder sa mission les bras ouverts, à l’instar du Christ de sa jeunesse. «Je ne fais pas de prosélytisme. Je rencontre des personnes agnostiques, athées ou d’autres religions. Je veux être pour elles un compagnon, prêt à dialoguer dans le respect des convictions de chacun et chacune.»
Fortunat célèbre la messe, mardi et mercredi midi à la chapelle de Miséricorde avec adoration du Saint-Sacrement et confessions, tandis que des offices du milieu du jour ont lieu les lundi et jeudi, en collaboration avec les séminaristes diocésains. Il propose aussi des accompagnements spirituels. Surtout, il écoute. «Dans ce monde où tout change rapidement, les gens ont besoin d’écoute, de quelqu’un qui les comprenne tels qu’ils sont.»
Le monde estudiantin, l’aumônier connaît bien. «Mon père est professeur à l’université en histoire sociale et ma mère était enseignante», raconte Fortunat. Avec ses neuf frères et sœurs, il grandit au Congo. «Je penchais pour le droit, je pensais devenir avocat ou politicien, mais au petit séminaire, je me suis senti appelé.» Un choix difficilement compris par sa famille, son père le voyant comme pilote d’avion, puis médecin.
«J’ai dû lutter pour suivre ma voie. Etant le premier garçon, deuxième après une grande sœur, ma décision était vue comme une fuite de responsabilité.» Loin de le dissuader, la désapprobation paternelle a forgé sa conviction. «Ma vocation, c’est Dieu qui m’a appelé. J’ai tout refusé pour cela.» Fortunat étudie la philosophie, puis la théologie. Il est ordonné prêtre en 2010.
Chercheur cosmopolite
Enseignant au séminaire-propédeutique du diocèse de Luebo puis directeur du collège épiscopal, il se chargera aussi un temps de la communication du diocèse et se formera au journalisme. Une convention de son diocèse avec l’archidiocèse de Madrid lui permettra ensuite d’obtenir une bourse d’études qui l’amène dans la capitale espagnole. Là, il étudiera le grec, le latin et la théologie patristique à l’Université Ecclésiastique San Dámaso tout en œuvrant aussi comme prêtre. Son chemin le conduira à Fribourg.
«J’avais beaucoup d’options, mais le bilinguisme m’attirait. Je souhaitais me rapprocher de la langue allemande, importante pour les études en patristique, tout en voulant terminer mes études en français.» Il ne regrette pas son choix. A Fribourg, il apprécie la diversité culturelle. «Ce carrefour des langues résume bien la Suisse», fait-il remarquer.
Tout en étant relié à la vie de la paroisse, il observe aussi que l’église «pèlerine» de l’Alma Mater connaît un roulement important. Par la force des choses. L’aumônier lui-même se voit saisonnier, «étudiant parmi les étudiant·e·s»: «Un jour, l’un d’eux m’a dit: je me sens à l’aise avec vous, car je peux dire ce que je pense. Cela m’a touché.»
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