Sarah, Laura et Justine, trois étudiantes en pédagogie spécialisée, ont participé au premier Camp Abilities de Suisse, un week-end sportif pour enfants malvoyants et aveugles. Bien plus qu’une expérience professionnelle, ça a été pour elles une leçon de vie.
A les entendre, on en ressort avec une conviction: Sarah, Laura et Justine ne se sont pas fourvoyées en choisissant d’étudier la pédagogie spécialisée. Quel enthousiasme elles dégagent! Bien que cela fasse plus de deux mois que le Camp Abilities de Lausanne a pris fin, elles ne peuvent en évoquer le souvenir sans des trémolos dans la voix. «Une des participantes a réussi à escalader un mur de 10 mètres. Elle pleurait de joie. Et nous aussi!», confie Laura. C’est certain: le week-end que nos étudiantes ont passé à Lausanne en compagnie de treize jeunes atteints de déficience visuelle restera à jamais gravé dans leur mémoire.
Sport et déficience visuelle
Il faut dire que la pratique du sport ne tend pas les bras aux près de 120 enfants malvoyants ou aveugles de Suisse romande. Deux éléments ressortent très clairement de la littérature scientifique concernant les enfants avec déficience visuelle et le sport.
Tout d’abord, en milieu scolaire, les enseignant·e·s d’éducation physique, faute de formation idoine, ne savent pas toujours comment intégrer les enfants malvoyants à leur classe. «Ceux-ci se retrouvent souvent sur le banc ou alors cantonnés à des rôles secondaires quand on ne les dispense pas purement et simplement d’activités sportives, sous prétexte que, dans le fond, le sport n’est pas si important», déplore Valérie Caron, instigatrice du Camp Abilities en Suisse.
En ce qui concerne le contexte extra-scolaire, le niveau d’activité physique des enfants malvoyants s’avère inférieur à celui des enfants voyants. Même si les chercheuses et chercheurs ne disposent pas d’un tableau précis pour la Suisse romande, il semblerait que l’inclusion des enfants malvoyants dans le sport y rencontre certains obstacles. «Plusieurs parents nous ont fait part de difficultés, explique la Docteure Valérie Caron, il peut par exemple s’avérer compliqué pour un enfant atteint de déficience visuelle d’intégrer le club de football de son village.»
Les moyens manquent, pas l’envie
D’où l’idée de Valérie Caron de créer un camp sportif, en Suisse, spécialement dédié aux enfants atteints de déficience visuelle: «J’ai importé en Suisse ce concept de Camp Abilities, qu’a inventé Lauren Lieberman en 1996 aux Etats-Unis. Il répond à cet immense besoin des enfants ayant des problèmes visuels de pratiquer des sports adaptés à leur handicap et d’avoir une vie sociale en contexte extra-scolaire et extra-familial.» Disposant de peu de moyens, Valérie Caron a pu compter sur l’appui de
ses trois étudiantes, qui n’ont pas lésiné sur l’huile de coude: «Bien sûr, nous devons faire un stage pour obtenir des crédits, explique Sarah, mais ce n’était pas notre motivation principale. Plutôt que de rejoindre un projet déjà sur les rails, nous sommes fières d’avoir contribué à créer un camp de toutes pièces et, on l’espère, qui ne sera que le premier d’une longue série!» Elles ont ainsi choisi la voie ardue, car il leur a fallu trouver des fonds, recruter des entraîneurs et des guides. Tout sauf une sinécure car, en Suisse, personne ne maîtrise à la fois la problématique du handicap et la pédagogie.
«Le profil parfait n’existe pas! A la Haute Ecole Pédagogique, on suit au mieux un cours sur le déficit visuel, avec un powerpoint agrémenté de quelques diapositives», déplore Sarah. Mais qu’importe, quand on veut, on peut. Notre fine équipe du Département de pédagogie spécialisée a fini par choisir une série de sports – dont le judo, la natation, le yoga, l’escalade et le football – et, surtout, décidé de la meilleure manière de les adapter au degré de handicap de chaque participant·e. Le camp pouvait démarrer!
Une expérience professionnelle et humaine
Les 15 et 16 juillet 2021, treize enfants sont venus à Lausanne pour cette première édition suisse du Camp Abilities. Malgré toutes les réflexions préalables, les éducatrices spécialisées en formation ont vite réalisé que rien ne valait la pratique: «Il y a plein de petits détails qui n’étaient pas parfaitement maîtrisés, concède Justine, comme au cours de judo où nous n’avions pas placé les tapis au bon endroit.» C’est en forgeant que l’on devient forgeron! Mais ce qui a sans doute le plus marqué nos étudiantes, c’est l’esprit d’équipe qui régnait durant ces deux jours de bonheur et de partage: «Tout le monde était très motivé, s’enthousiasme Laura, tout le monde tirait à la même corde, enfants comme adultes!» Et Sarah de renchérir: « Même au football, les garçons plus âgés levaient le pied quand ils jouaient avec des plus petits. Durant tout le camp, il y a eu une vraie solidarité et beaucoup de bienveillance.»
Valérie Caron et ses étudiantes souhaitent absolument reconduire l’expérience, afin d’en faire profiter tous les enfants malvoyants et aveugles de Suisse romande. «J’ai vraiment l’impression que les enfants qui ont participé au camp vont faire fonctionner le bouche à oreille», conclut Justine.
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- Département de pédagogie spécialisée
- Camp Abilities
- Ce projet, alliant la pratique universitaire avec les acteurs de terrain du Centre pédagogie pour élèves handicapés de la vue de Lausanne, a été soutenu financièrement par la Fondation Asile des Aveugles.
L’équipe de Valérie Caron sera présente à Explora avec un stand d’informations et un atelier de cécifoot.
Photos: Fondation Asile des Aveugles
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