Mener de front carrière sportive et études n’est pas une sinécure! La basketteuse Marina Lugt en sait quelque chose, elle qui tente, tant bien que mal, de jongler avec une ribambelle d’entraînements et un cursus académique plus qu’étoffé!
Soulagée d’avoir tout juste terminé ses examens de première série, Marina Lugt arrive à notre rendez-vous le sourire aux lèvres et un ballon de basket sous le bras. A côté de ses études en travail social et en sciences de l’éducation, la Vaudoise s’astreint à quatre entraînements hebdomadaires de basketball, plus un match le week-end. Pour mener à bien cette double vie, la joueuse de l’Espérance sportive Pully, a dû apprendre à dribbler les objections de ses enseignants et de ses entraîneurs. Notre interview le révèle: il est parfois plus facile à un chameau de marquer un panier à trois points qu’à une sportive d’élite de mener ses études à terme. Rencontre.
Jouer en ligue nationale A de basketball et étudier à l’Université de Fribourg n’est pas de tout repos. Pourquoi ne pas consacrer toute votre énergie à votre carrière sportive?
C’est vrai, c’est très difficile. Comme je manque de nombreux cours, je dois ramer pour les rattraper. Cela dit, j’assume complètement mon choix car, en Suisse, on ne peut pas gagner sa vie en jouant au basketball féminin. Les études me permettent donc d’assurer mes arrières, sans compter que mes branches m’intéressent beaucoup. A l’avenir, j’aimerais bien travailler avec des enfants en difficulté ou dans des foyers d’accueil.
Vous vous entraînez tous les jours de la semaine, sauf le jeudi. C’est rude!
Oui, car à cela s’ajoutent les matchs du samedi. Pour couronner le tout, ce printemps, avec mon ancien club du BCF Elfic Fribourg, nous nous rendions toutes les deux semaines à l’étranger, de Nice à Venise, en passant par la Pologne. Du coup, j’étais loin du mardi au jeudi. Et ça, ça complique tout de même les études! (Elle rigole)
Saviez-vous que l’Unifr propose des arrangements au cas par cas pour les sportifs d’élite?
Non. Il faut dire qu’au début je pensais réussir sans l’aide de personne. Mais, le 14 décembre dernier, je devais disputer un match en France et passer un examen en même temps. J’ai alors réalisé que ça ne pouvait pas continuer ainsi et qu’il fallait trouver une solution.
Et quelle est cette solution?
En fait, en négociant directement avec ma professeure, j’ai pu repousser ma date d’examen. J’ai eu de la chance qu’elle se soit montrée compréhensive. Il y a aussi des professeurs qui m’envoient leurs powerpoints. Tout cela est bien chouette, mais on m’a aussi déjà demandé de mettre mes «priorités où il fallait». En clair, de choisir entre le sport et les études.
Que faudrait-il pour faciliter les études des sportifs?
Il faudrait mettre sur pied un véritable plan d’études à long terme, sur une année ou plus. Les cours obligatoires posent problème également. Il m’est arrivé de ne pas pouvoir les suivre. Il faudrait prévoir des aménagements.
Renoncer au sport serait une option?
Non, car les émotions que je vis grâce au basket sont uniques. C’est un investissement qui rapporte beaucoup d’un point de vue humain, même si c’est parfois la galère!
Sportifs à l’uni, mode d’emploi
Pour faciliter les études des sportifs d’élite, l’Université de Fribourg propose certains aménagements d’horaires, au cas par cas, mais se refuse à concéder des diplômes au rabais. Les Forrest Gump académiques peuvent passer leur chemin! On l’aura compris, les sportifs d’élite ne bénéficient pas de passe-droits à l’Université de Fribourg. Ils ne sont toutefois pas complètement livrés à eux-mêmes. Le Service des sports s’est récemment doté d’un médiateur sportif, poste occupé par Rafael Ratti. Ce dernier peut, notamment, intervenir auprès d’un professeur rétif à l’idée de laisser l’un de ses étudiants manquer un examen pour cause de compétition sportive: «Je regarde le pédigrée du sportif, notamment s’il est affilié à Swiss Olympic, et je vérifie si celui-ci doit bien participer à une compétition le jour dit. Je prends ensuite contact avec l’enseignant pour lui expliquer la situation. Ce dernier n’est toutefois pas obligé d’accepter la demande.»
Une filière taillée sur mesure pour les sportifs
A l’Université de Fribourg, les études en sciences du sport et de la motricité sont de toute évidence les mieux adaptées aux exigences des sportifs d’élite. Il leur est possible d’y obtenir les soixante premiers crédits en huit semestres au lieu de quatre. «Nous cherchons des solutions par rapport à leur calendrier, explique Denis Probst, responsable des études, cela peut passer par du rattrapage comme par des travaux complémentaires. Au final, nous parvenons toujours à trouver un équilibre.» Bien que cette voie d’études n’ait que dix ans d’existence, elle est déjà connue et reconnue en Suisse. De nombreux sportifs d’élite renommés, avides de médailles d’or et de matière grise, l’ont déjà empruntée.
Petits conseils aux sportifs d’élite
Denis Probst, responsable des études de l’unité des sciences du mouvement et du sport: «Je pense que cela vaut la peine d’essayer de se lancer dans des études. Une carrière peut être stoppée brutalement par une blessure. Il ne faut pas mettre toutes ses billes dans le même panier. C’est un investissement pour l’avenir.»
Rafael Ratti, médiateur au Service des sports: «A l’Université, les sportifs doivent se prendre en charge et réussir leurs examens, car nous n’offrons pas de diplômes au rabais. C’est un choix de vie qui mérite le respect!»
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- Domaine des sciences du sport et de la motricité
- Médiateur sportif de l’Université de Fribourg: rafael.ratti@unifr.ch
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