Se connaître pour mieux collaborer

Se connaître pour mieux collaborer

Trop souvent, on voit le chercheur ou la chercheuse perché·e dans sa tour d’ivoire. Un stéréotype qui a pour conséquence que les mondes économique et universitaire se regardent à distance. Une soirée de la Chambre de commerce et d’industrie du canton de Fribourg et de l’Université de Fribourg visait à les rapprocher.

«Entre l’économie fribourgeoise et le monde académique, il existe toujours un fossé que nous voulons contribuer à réduire au maximum.» Directeur de la Chambre de commerce et d’industrie du canton de Fribourg (CCIF), Christophe Emmenegger fait partie de ceux qui veulent créer des ponts. Docteur en nanotechnologie, il fut d’abord actif dans la recherche fondamentale avant de rejoindre l’économie. Il connaît bien les deux mondes.

Et s’il comprend ce qui les sépare, il voit surtout le gain mutuel d’un rapprochement. Réduire ce fossé, c’était justement l’objectif de la rencontre intitulée «Pas de barrière», organisée conjointement par l’Université de Fribourg (Unifr) et la CCIF. Fin mai 2025, sur le site de Bluefactory, cette soirée de présentations et de réseautage visait à favoriser le contact entre entrepreneur·euse·s fribourgeois·e·s et les chercheur·euse·s issu·e·s du monde académique.

Rectrice de l’Unifr, Katharina Fromm constate que, trop souvent, le milieu universitaire est perçu comme retranché dans sa tour d’ivoire, déconnecté des réalités du tissu économique. «Nous voulons montrer que ce savoir fondamental est utile, que nos chercheuses et chercheurs possèdent de riches compétences et que le potentiel d’application est là», explique-t-elle. Et pour valoriser ce trésor que représente le savoir fondamental, la communication et la recherche de visibilité deviennent capitales, poursuit la rectrice, responsable entre autres du soutien à la recherche et l’innovation de l’Unifr.

Christophe Emmenegger abonde. Pour le directeur de la CCIF, il importe de ne pas cultiver la vision d’un monde bipolaire, entre entrepreneur·euse·s du cru d’un côté et monde universitaire de l’autre. «Nous voulons permettre un réseau de compréhension, car l’Université s’inscrit dans le paysage économique fribourgeois. Les liens existent, il faut les valoriser.» Parmi ces ponts déjà établis, citons l’implication de l’Unifr dans nombre de domaines: alimentation durable, matériaux et santé (Food Research and Innovation Center), nanomatériaux (Adolphe Merkle Institute), interaction humain-technologie (Human-IST) ou encore bâtiment (Smart Living Lab).

Sans compter trois startups de l’Unifr actives dans la lutte contre le surpoids (bewe), la détection du cancer du sein (Xemperia) ou encore la création de matériaux à base de cellulose (Seprify). En 2024, elles ont généré des postes de travail pour 25,6 équivalents temps plein (EPT) pour un capital obtenu de 4,9 millions de francs. A côté de ces contributions, d’autres collaborations se tissent entre chercheur·euse·s et entrepreneur·euse.

A l’image de WasteLogs, un outil d’aide à la décision pour optimiser la collecte des déchets par les services de voirie ou les entreprises mandatées par les collectivités publiques. Dans ce projet, né d’un partenariat entre l’Unifr et la société bernoise System-Alpenluft, et soutenu par InnoSuisse, les mathématiques et l’informatique viennent prêter main-forte aux entreprises de ramassage de déchets afin de résoudre le casse-tête quotidien du parcours à effectuer par le personnel.

«Nous avons traduit le problème du ramassage en un problème mathématique, puis avons développé des algorithmes pour résoudre ce problème», résume le professeur de mathématiques Bernard Ries, du Decision Support & Operations Research Group de l’Unifr. Au final, l’outil permet des tournées plus durables tandis que le gain d’efficacité pour les collectivités publiques est estimé à 10 ou 20%.

Dans un autre registre, on trouve l’exemple du partenariat entre l’Unifr et l’assurance La Mobilière, avec la création d’un cluster de recherche sur la résilience au niveau économique, politique et social. Ou encore l’intérêt surprenant des sciences humaines pour le secteur de la construction, à l’image des travaux de recherche de la prof. assistante en anthropologie sociale Madlen Kobi. Son projet Urban Bricolage. Mining, Designing and Constructing with Reused Building Materials montre les avantages de développer une économie circulaire en récupérant les matériaux de démolition.

Madlen Kobi évoque quelques chiffres surprenants. En Suisse, ce sont entre 6000 et 7000 bâtiments que l’on démolit chaque année, tandis qu’en Europe, la moitié des déchets de construction termine à la décharge. «Mais il faut savoir par exemple que la récupération de l’aluminium ne demande que 5% de l’énergie nécessaire à sa production initiale», explique-t-elle. Et de montrer des exemples de constructions en Suisse, réalisées à l’aide de fenêtres récupérées, comme le K118 à Winterthur ou l’Elys Basel.

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Author

Pierre Koestinger est journaliste indépendant.

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