Crise covid ou climatique, guerre en Ukraine… Complétez comme vous voudrez l’inventaire à la Prévert des récents malheurs de l’Europe en particulier et du monde en général. Que nous souhaiter de plus qu’une capacité de résilience à toute épreuve? Une notion discutée – et discutable – entre autres, par Sophie Le Garrec et Gilbert Casasus lors de la Nuit des idées 2022.
Comme de nombreux concepts «à la mode», la résilience est difficile à circonscrire. Le terme fait débat. Il était au cœur d’une table ronde organisée par l’Ambassade de France en Suisse, le vendredi 11 mars, à l’occasion de la Nuit des idées 2022. Deux membres de l’Unifr, la sociologue Sophie Le Garrec et le politologue Gilbert Casasus y prenaient part.
En tant que sociologue, Sophie Le Garrec fait d’entrée part de sa méfiance face à un objet émanant du champ psychologique, voire psychiatrique, appliqué à l’espace social, car «il perd toujours de son sens initial», nous avertit-elle. Elle s’interroge: «Peut-on vraiment appliquer au politique ou aux analyses systémiques une notion développée, à l’instar de Boris Cyrulnik, dans le cadre de troubles post-traumatiques?». Pour les organisateurs cependant, «La résilience désigne la capacité, non seulement à faire face à des défis et à les relever, mais aussi à se soumettre à des transitions de manière durable, équitable et démocratique».
Le monde d’après
Dans son discours introductif, Gilbert Casasus évoque plusieurs pistes pour l’Europe, parmi lesquelles une mutualisation des politiques de santé et la recherche d’un équilibre dans la relation entre science et politique. Il sait cependant qu’il ne fera pas l’unanimité en appelant de ses vœux une réhabilitation de l’Etat: «Il s’agit de retrouver le sens de l’Etat: qu’est-ce que servir l’Etat et quand l’Etat vous sert-il?»
Au cours de la table ronde, Sophie Le Garrec rebondit sur les propositions du Professeur Casasus. La cacophonie des expert·e·s durant la crise covid a été révélatrice: il est temps de réévaluer et de repenser l’équilibre science, politique et citoyen·ne·s. Chaque domaine recouvre une réalité différente et une bonne communication avec le grand public doit impérativement tenir compte des imaginaires sociaux façonnant et influençant potentiellement nos pratiques et nos manières de penser le risque. Ces imaginaires sociaux se situent le plus souvent hors de la rationalité scientifique ou politique. Pour l’avenir de l’Europe, elle préfère qu’on se penche sur des projets se basant sur une réelle pluridisciplinarité et une approche de la santé non seulement plus centrale, mais aussi plus en phase avec les savoirs profanes.
L’avenir c’est la jeunesse
Pour nos deux universitaires, l’avenir est donc dans la mutualisation, en particulier de la santé pour laquelle il est impératif de proposer au plus vite une politique européenne. La covid l’a clairement démontré: les virus ne connaissent pas les frontières. Sophie Le Garrec et Gilbert Casasus se tournent également vers la jeunesse. Comment celle-ci peut-elle s’impliquer dans cette future construction européenne? Le conseil de Sophie le Garrec est lapidaire: «Votez!». Et pour voter «bien»? Là encore les deux professeur·e·s se rejoignent: Il est impératif d’apprendre à poser un regard critique sur les médias et à voir sur le long terme. «Il faut dépasser les indignations immédiates, souvent plus faciles, s’exclame Gilbert Casasus. Regardez plus les hôpitaux et moins les GAFA.»
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- Sophie Le Garrec est maîtresse d’enseignement et de recherche au Département de travail social, politiques sociales et développement global
- Gilbert Casasus est professeur·e ordinaire au Département d’études européennes et de la slavistique
- Nuit des idées 2022 «Quelle résilience en Europe?»,organisée par l’Ambassade de France en Suisse