Portrait

Des récits et des vies

Enseignante de français et d’éthique dans un cycle d’orientation de la Ville de Fribourg, Tatjana Erard est aussi une auteure accomplie. Depuis 2010, elle a publié quatre ouvrages et poursuit ses projets d’écriture. Des récits dans lesquels Fribourg est une source d’inspiration pour cette enfant de la Basse-Ville.

De la Ville de Fribourg, Tatjana Erard connaît tous les recoins. Plus particulièrement les 111 lieux à découvrir absolument. Elle les a mis en lumière dans un ouvrage paru en 2023. «J’ai été contactée par la maison d’édition allemande Emons pour rédiger un livre avec des critères bien définis. Il fallait 111 lieux en Ville de Fribourg, pas d’endroits touristiques, mais accessibles au public, et rédiger le tout de manière explicative. C’était très cadré et très professionnel. J’ai dû mettre de côté la touche stylistique que j’aime tant apporter à mes textes. Je me suis donc lancée à la recherche de ces lieux.» Sa quête est faite de rencontres, d’anecdotes récoltées. Car pour celle qui a toujours vécu en Ville de Fribourg, un lieu, c’est avant tout une âme. «J’ai déambulé dans la ville en posant un regard sur chaque détail. J’ai emprunté d’autres itinéraires et j’ai découvert des endroits dont je n’avais jamais entendu parler. J’ai pris du temps pour discuter avec les gens et pour écouter leurs histoires.»

La vie des autres

Les gens et leur histoire. C’est comme ça que tout a commencé. En 2008–2009, Tatjana Erard suit une formation de recueilleuse de récits de vie. Elle fait partie de la première volée d’un diplôme qui deviendra un certificate of advanced studies, un CAS, proposé par l’Université de Fribourg. S’immerger dans la vie des gens, raconter leurs parcours, mais avec une approche littéraire qui donne aux chapitres une couleur en résonnance avec leur vécu, c’est le credo de Tatjana Erard. Un premier ouvrage dédié à Hubert Audriaz paraît en 2010. Neuf ans plus tard, ce sera Inspirations, consacré à Emmanuel Schmutz. «Hubert Audriaz est surnommé le magicien de l’Auge. Cela m’a tout de suite paru évident d’écrire ce récit sous forme de conte. Pour Emmanuel Schmutz, j’ai varié les styles d’écriture à l’image de sa vie aux mille facettes. Responsable de la médiathèque à la BCU, il adorait le cinéma. J’ai donc imaginé sa rencontre avec le réalisateur Wim Wenders. Il a aussi fait du théâtre avec la metteuse en scène Gisèle Sallin. J’ai rédigé cette partie de sa vie sous forme de pièce de théâtre.» Que ce soit pour les 111 lieux ou pour ces deux personnalités fribourgeoises, Tatjana Erard s’inspire de la capitale cantonale, une ville qu’elle portraitise au travers de nouvelles dans Méandres, publié en 2016. Fribourg gravée dans son cœur, le quartier de la Neuveville, dans son ADN.

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Un enfant de la Basse

Tatjana naît Conus en 1978. Son père est boucher, sa mère s’occupe du foyer après avoir partagé ses connaissances de la Ville en tant que guide. Tatjana fait ses classes primaires à l’école de la Neuveville située à une minute à pied de la maison familiale qu’elle occupe aujourd’hui avec son mari et leur fils de 12 ans. Enfance et adolescence passées dans le quartier, mais les racines sont plus profondes encore. «Mon arrière-grand-père avait plusieurs maisons à la Neuveville. Mon grand-père était architecte. Il a construit la maison devant celle où je vis actuellement. Il a été le premier vice syndic socialiste de Fribourg et a aussi présidé le Grand Conseil. Notre famille a donc une forte empreinte dans le quartier, mais j’aurais très bien pu vivre ailleurs, ce que j’ai fait plusieurs années dans le quartier de la Vignettaz. Ce retour à la Neuveville était une opportunité offerte par mes parents lorsqu’ils ont décidé de remettre la maison. Pour mon fils, c’est génial. Il a toujours des copains qui viennent le chercher pour aller jouer dehors. C’est un endroit magnifique et une chance de pouvoir y vivre.» L’ancrage est aussi musical, puisque Tatjana Erard fait partie de La Lyre de Fribourg depuis 35 ans, la fanfare du quartier dans laquelle ses parents se sont rencontrés et qui est présidée par un certain Lionel Conus, son frère. Après son école secondaire à Jolimont et son collège à Saint-Michel, Tatjana poursuit ses études en littérature française et histoire de l’art à l’Université de Fribourg. «J’ai adoré ces années, le fait de découvrir des périodes littéraires enseignées par des profs passionné·e·s. Mais ce que j’ai le plus aimé, ce sont les voyages organisés en histoire de l’art. Avec ma famille, nous n’étions pas très «musées». Le week-end, c’était plutôt balade au barrage de la Maigrauge. Avec ces voyages d’étude, c’est tout un monde qui s’est ouvert à moi. Nous étions à 7h00 le matin dans les musées, complètement immergé·e·s.» Mais à quoi servent les passions si elles ne sont pas partagées? Tatjana Erard opte donc pour l’enseignement. Ce sera le français et l’éthique au Cycle d’orientation de Jolimont. Elle y exerce aussi la fonction de médiatrice, anime des ateliers d’écriture et gère le programme culturel de l’école. «J’ai un budget annuel défini et je propose les spectacles qu’iront voir les élèves. C’est important qu’ils et elles aillent dans les lieux culturels. Certain·e·s ne vivent la culture qu’au travers de la vitre de leur smartphone.» Quant aux projets personnels, là aussi, Tatjana Erard n’est jamais à court d’inspiration. Elle aimerait mettre en mots le parcours de sa grand-maman. Toujours l’envie de raconter la vie pour celle qui la croque à pleine dent.