Dossier

Le sport, une petite pilule miracle

Les études scientifiques montrent que de nombreux processus de vieillissement commencent vers le début de la quarantaine. Le sport peut repousser ces limites. Des expert·e·s du Département de médecine expliquent comment la pratique équilibrée et régulière d’un sport peut prolonger l’espérance de vie et contribuer au rajeunissement.

A la lumière des différentes théories de l’évolution, il paraît évident que l’être humain est fait pour bouger toute la journée. Le mode de vie occidental, consistant principalement à s’asseoir toute la journée devant un bureau, semble tout sauf sain. Dans la mesure où les progrès médicaux actuels permettent un allongement constant de la durée de vie, l’un des défis majeurs de notre époque consiste à lutter activement contre cette sédentarité. L’objectif étant de jouir de la meilleure santé possible au regard de cette espérance de vie toujours plus longue, d’agir dès le plus jeune âge et de persévérer au moment où le processus de vieillissement débute. Dès lors, quelle est la recette de ce fameux élixir de jouvence? Comment rester jeune dans son corps et sa tête tout en prenant de l’âge? Afin de résoudre cette équation des temps modernes, trois spécialistes de l’Université de Fribourg soutiennent, études à l’appui, que «oui, le sport peut constituer une sorte de pilule miracle».

Métabolisme et personnalisation

Grand connaisseur du métabolisme du muscle, Martin Flück, chercheur senior auprès du Département d’endocrinologie, métabolisme et système cardiovasculaire de la Section de médecine, est intarissable sur les avantages d’un entraînement orienté sur la musculation. Il est convaincu que des exercices ciblés et personnalisés peuvent améliorer des fonctions corporelles précises. Il s’intéresse notamment aux patient·e·s cardio-vasculaires et aux sportifs·ves de haut niveau: «L’une de nos études montre que, chez les personnes de plus de 65 ans qui font du ski, par exemple, les fonctions musculo-squelettiques et cardiovasculaires peuvent s’améliorer de manière significative avec, toutefois, une forte différence entre les sujets. Cela induit, de surcroît, une influence positive directe sur leur capacité d’absorption du glucose et, a fortiori, sur leurs ressources énergétiques». Dans un autre registre, sachant que le vieillissement est aussi synonyme de perte de masse musculaire, il recommande fortement la pratique de l’entraînement musculaire, plus communément appelé «entraînement de résistance», chez les personnes âgées, afin de prévenir la sarcopénie ou atrophie musculaire. Au cours de ses 27 ans de recherche dans le domaine, il a ainsi pu mettre en avant l’efficacité du double mécanisme opéré par le conditionnement physique et l’influence des gènes. «On a pu prouver que les personnes d’un certain génotype peuvent beaucoup mieux absorber le glucose et métaboliser l’oxygène que les autres. A partir de là, on peut mieux doser l’exercice», éclaire-t-il, en citant l’exemple de Kristian Blummenfelt, champion olympique du triathlon à Tokyo, qui s’entraîne selon ces méthodes.

Bienfaits neurologiques, psychologiques et sociaux

Wolfgang Taube, professeur spécialiste du sport au Département des neurosciences et des sciences du mouvement de la Section de médecine, a une approche plus globale du lien entre sport et vieillissement: à côté des bienfaits physiques, il s’intéresse plus particulièrement aux bénéfices neurologiques et cognitifs de l’exercice. Si l’on considère la forte augmentation de la démence, l’une des maladies de la civilisation actuelle, «nous avons de très bonnes indications sur le fait que le sport peut influencer favorablement le risque lié à cette maladie, et ce en combinaison avec une alimentation équilibrée», affirme-t-il. Il cite des études récentes prouvant que plus tôt les enfants commencent à pratiquer régulièrement une activité physique, plus importantes seront leurs facultés cérébrales à lutter contre les maladies de type Alzheimer ou Parkinson. En définitive, la probabilité de développer ces maladies avec l’âge diminuerait drastiquement grâce à une pratique sportive assidue et préventive. Martin Flück abonde dans ce sens et précise qu’une augmentation de l’activité cérébrale, combinée à des exercices cardiovasculaires, peut prévenir efficacement la maladie d’Alzheimer. Il ajoute que, du fait de la dynamique de groupe, les personnes âgées ayant effectué le protocole d’exercice préconisé dans le contexte de ses projets de recherche ont vu leurs capacités sociales se développer. De même, les résultats d’études auxquelles il a contribué en Angleterre ont montré que les personnes participantes ayant pratiqué un peu de poids, de vélo et de randonnée sont non seulement devenues plus spontanées, motivées, créatives et entreprenantes, mais ont aussi témoigné d’une plus grande réussite dans les projets menés. «Et très souvent, leur libido s’améliore aussi», précise le chercheur. Par dessus tout, il lui semble essentiel que le sujet fasse preuve de beaucoup de volonté et soit conscient des bénéfices découlant de ces exercices. «Il faut une certaine confiance et une motivation intrinsèques, sinon cela ne marche pas très bien, prévient Martin Flück. En deux semaines d’exercices, des personnes de 80 ans ont eu de nouveau la capacité de se lever sans se tenir sur leurs mains. Les gens qui constatent ces progrès ne veulent plus s’arrêter, y compris les patient·e·s cancéreux·euses», constate-t-il.

L’une des recherches de Wolfgang Taube sur le système inhibiteur dans le cortex cérébral a, par ailleurs, confirmé cette influence positive du sport sur la santé mentale. En cas de dépression, ce système semble très affaibli, alors même qu’il joue le rôle de connecteur dans tout le cerveau et assure la coordination fine. Selon le Professeur Taube, au lieu de la prise immédiate d’un médicament, le recours au sport constitue une piste intéressante, lorsqu’on fait face à ce type de pathologies. «La pratique sportive permet de stimuler ces inhibiteurs et augmente ainsi le potentiel d’amélioration», déclare-t-il.

© studio-ko.ch
Différences entre sexe féminin et masculin

Les études sont-elles menées de manière équitable aussi bien sur des sujets féminins que masculins? Les deux chercheurs assurent que l’éthique l’exige. Si dans le cadre d’une étude spécifique, ils devaient recourir à un seul des deux sexes, cela devrait être dûment justifié. Malgré tout, des différences hormonales et biomécaniques subsistent, même si, selon Wolfgang Taube, les paramètres de santé évoqués plus haut ne diffèrent pas de manière notable entre hommes et femmes: «Je n’ai pas encore entendu dire que telle intensité d’efforts est plus dommageable chez une femme que chez un homme, mise à part la question de l’influence hormonale», indique-t-il. En ce qui concerne les tests relatifs aux médicaments, on prend plutôt les hommes par commodité, puisqu’il est très délicat de les mener sur des femmes enceintes, par exemple». Chez les seniors, Martin Flück note de légères différences: «les hommes ont acquis plus de force après les exercices en raison de la raideur accrue des tendons, tandis que les femmes ont connu un renforcement dû à la croissance musculaire (hypertrophie)», précise-t-il.

Marie-Noëlle Giraud, cheffe de groupe auprès du Département d’endocrinologie, métabolisme et système cardiovasculaire, apporte toutefois une nuance importante: «Jusqu’à présent, on étudiait surtout les hommes, mais maintenant que les études portent aussi sur les femmes, on constate qu’elles n’ont pas la même dynamique de réponse. Dans notre étude actuelle nous observons et mesurons que, à intensité égale d’exercice, les rats femelles et mâles répondent de façon très différente, s’agissant de l’adaptation cardiaque. Nous cherchons à identifier des explications en étudiant les systèmes hormonaux autres que les hormones sexuelles».

Certes, «on ne peut jamais écarter la probabilité de mourir d’une maladie ou d’un accident, reconnaît le Professeur Taube. Et il faut tenir compte du processus de vieillissement des organes, lequel n’est pas lié directement à la pratique sportive. Néanmoins, celle-ci diminue la probabilité de mourir jeune de manière significative et constitue une part très importante de la guérison et du maintien d’une bonne santé en général», conclut-il.

Notre expert Martin Flück est chercheur senior auprès du Département d’endocrinologie, métabolisme et système cardiovasculaire de la Section de médecine.
martin.flueck@unifr.ch

Notre expert Wolfgang Taube est professeur spécialiste du sport au Département des neurosciences et des sciences du mouvement de la Section de médecine.
wolfgang.taube@unifr.ch

Notre experte Marie-Noëlle Giraud est chercheuse senior auprès du Département d’endocrinologie, métabolisme et système cardiovasculaire de la Section de médecine.
marie-noelle.giraud@unifr.ch