Portrait

Le Joël Dicker de la Basse-Ville

Il vit de sa plume et s’en émerveille. Rédacteur en chef de La Liberté, Serge Gumy a fréquenté les bancs de notre Université dans les années 1990. Il se souvient y avoir appris l’autonomie, la persévérance et – qui lui donnera tort? – une façon d’écrire ennuyeuse, dont il a dû se débarrasser par la suite.

Les politiciens pensent de lui tant de bien que c’en est presque suspect. «Serge Gumy? Un bon professionnel qui essaie de se hisser au-dessus de la mêlée», témoigne Jean-François Rime, conseiller national UDC. Un demi-ton plus bas, la socialiste Ada Marra qualifie le rédacteur en chef de La Liberté de «bon journaliste... de droite». Même pas un bémol puisque, dans le même souffle, elle s’empresse d’ajouter: «Il est sans complaisance. Je l’apprécie beaucoup!» S’il arrive que, par leurs bafouilles, les journalistes se créent des ennemis, la plume de Serge Gumy semble tenir en respect ceux qu’il égratigne parfois. 

Voilà plus de vingt ans que Serge Gumy a quitté les bancs de notre Université. De 1990 à 1995, il y a étudié l’histoire moderne et contemporaine, ainsi que le journalisme. «L’histoire, confie-t-il, ça a été l’apprentis-sage de la collecte et de la critique des sources; le mémoire de licence, celui de l’autonomie.»

 

Sous l’égide de Françis Python, «un homme sous lequel j’ai grandi intellectuellement», il rédigera un mémoire de licence sur le quartier de l’Auge. Publié deux ans plus tard, moyennant une réécriture en profondeur car, «quand on écrit pour un professeur, on écrit de manière assommante», l’ouvrage connaîtra un beau succès d’édition. Il s’en vendra plus de 500 exemplaires. De quoi faire de son auteur le Joël Dicker de la Basse-Ville. D’aucuns se souviennent encore, impressionnés, du vernissage où le jeune Serge était arrivé «les mains dans les poches, sans une note, et avait présenté son travail en une vingtaine de minutes, avec éloquence, conviction et passion».

© Aldo Ellena
Une passion dévorante, le journalisme

Serge Gumy tournera pourtant le dos à cette carrière d’historien. Son cœur était déjà pris par une autre passion, aussi dévorante que précoce, le journalisme. Il y entre comme on entre en religion, sur un appel: «Un jour, j’apprends que le Service des sports de Radio Sarine cherche du monde. J’ai demandé à parler au chef de l’époque, Philippe Ducarroz. Je ne sais pas ce qui m’a pris, c’est sorti de moi, c’était une évidence. Il fallait que je le rencontre.» Un sacré culot alors que, de son propre aveu, il était un enfant timide. Embauché, il commence par lire des nouvelles dans un bulletin. Après un mois, il endosse, seul, la responsabilité d’une émission. A 15 ans à peine! Au souvenir des sportifs incrédules à qui il tendait le micro sur la pointe des pieds, un sourire illumine son visage: «Ils devaient se dire: mais qui est ce gamin?»

 

Un parcours sans concession

A éplucher son CV, on constate que Serge Gumy n’a jamais fait d’incartades au journalisme. Et il est vrai qu’il n’a jamais emprunté de chemins de traverse, même si l’idée l’a parfois effleuré.

Après Radio Sarine, il est passé par La Liberté, la RTS radio, la Tribune de Genève et 24 Heures, puis retour au bercail, à Fribourg, là où il a ses racines. Un sillon de journaliste tracé au cordeau, mais sans plan de carrière. Et de citer, pour preuve, son rêve d’enfance non exaucé, celui de commenter une coupe du monde de football.

 

En endossant le costard de rédacteur en chef de La Liberté, en 2015, Serge Gumy a pris la barre d’un gros navire et se retrouve à la tête d’un équipage d’une soixantaine de personnes. Et là, manier la plume ne saurait suffire. Il faut composer avec les aspects humains, encourager, convaincre, corriger et critiquer. Pour encaisser ses remarques, il semblerait qu’il faille avoir le cuir bien épais. Un côté cash qu’il assume volontiers: «Je suis très binaire. Je dis quand j’aime ou quand je n’aime pas!» Un chef interventionniste, dur parfois, mais aussi une mère poule, qui sait «défendre bec et ongles ses journalistes», témoigne un membre de la rédaction.

Rédacteur en chef à 46 ans. Le sommet de la colline, dans la vie comme dans la carrière. En aucun cas le bout du chemin, puisque Serge Gumy s’imagine, dans un avenir pas si lointain, «redescendre à l’atelier, en tant que simple journaliste», à l’exemple de Louis Ruffieux, son prédécesseur. Plus qu’une confidence, une profession de foi. Il n’explorera probablement pas d’autres voies professionnelles. «J’écris. Je suis payé pour écrire, s’extasie-t-il, n’est-ce pas magnifique?» Et de conclure d’un péremptoire: «Franchement, je ne vois pas vraiment ce que je ferais d’autre».

Serge Gumy a vu le jour à Aigle (VD) en 1970. De 1990 à 1995, il étudie l’histoire moderne, l’histoire contemporaine et le journalisme sur les bancs de notre Université. Il a travaillé pour différents médias, presse et radio, et a été journaliste parlementaire à Berne. Serge Gumy est père de quatres enfants: Clarisse (2003), Mattia (2005), Chloé et Clémence (2007). Il est rédacteur en chef du quotidien La Liberté depuis le 1er août 2015.