Dossier

Comment un satellite transmet-il des données sans les mélanger?

A l’heure de l’hyper communication, il est légitime de se demander, comme Marie-Pierre Chevron et Franck Girard, comment les flux terrestres ou spatiaux d’informations s’échangent sans se perdre. Professeur ordinaire d’informatique, spécialiste du génie logiciel, Jacques Pasquier nous éclaire.

«Que ce soit par câble souterrain (cuivre ou fibre optique), sous les océans ou dans les bâtiments, dans les airs ou l’espace par le biais d’antennes ou de satellites, nos données sont acheminées avec un même objectif: qu’elles parviennent à destination à un coût minimal.» Un petit miracle? Le Professeur Pasquier nous explique la structure qui permet de parvenir à cette efficience. Et, pour simplifier, la compare volontiers au système routier.

Les réseaux, pour relier un point A à un point B, sont souvent une infrastructure hardware lourde qui permet le transport des informations. Peu importe le revêtement de la route empruntée, les échanges sont codés de la même manière: ce sont des paquets, renfermant une information, le plus souvent digitale, structurée en bits (binary digit: 1,0) et en octets (séquence de 8 bits). Ils portent des étiquettes contenant les identifiants de l’émetteur et du destinataire et, une fois sortis d’un système émetteur, souvent le logiciel d’un ordinateur ou d’un téléphone, empruntent une immense autoroute interconnectée à d’autres autoroutes par des échangeurs, le tout tissant comme une toile d’araignée globale (le web). Routeurs et switchs organisent la circulation, garantissent l’acheminement au système destinataire et s’efforcent de limiter les collisions.

En surface d’un trafic de plus en plus dense, il faut une loi sur la circulation routière: ce sont les protocoles, comme l’IP ou le TCP. «Les protocoles sont un ensemble de règles organisées en couches successives qui diffèrent selon les éléments purement matériels. Dans le cas des satellites, on a affaire au protocole spécifique d’ondes radios, émises à haute fréquence par des stations terrestres vers un satellite en orbite géostationnaire, qui les renvoie vers une station réceptrice sur Terre», détaille le Professeur Pasquier.

 

© karakter Graphic Design
Fiables, les transmissions satellite?

Mais comment font-elles pour ne pas se perdre, voire se faire voler? «La transmission satellite est, certes, moins sûre que la fibre optique. Mais tout est fait pour y remédier. Le modèle du handshake est très répandu: émetteur et récepteur concluent un accord de communication exclusif, et ce canal direct est, au surplus, protégé par du cryptage des flux d’informations. Mais quel que soit le médium, les possibilités de craquage du système ou de sniffage de l’information véhiculée existent. Les communications de la NASA ont elles aussi été piratées...»

Alors, si elles ne sont pas les plus sûres, ni les plus efficientes, les transmissions par satellite ont-elles un avenir? «Si leur avantage déjà acquis est de pouvoir couvrir des régions du globe qui ne sont pas équipées par des vecteurs terrestres, il faut aussi considérer l’essor des services numériques basés sur la géolocalisation par GPS, comme la domotique connectée, les véhicules autonomes, etc.», prédit le professeur. «Pour l’heure, bien que Chinois et Russes possèdent leur propre système, les satellites utilisés par nos GPS en Europe sont tous américains. Mais, une fois opérationnel, le projet de GPS européen Galileo permettra de la concurrence sur ce marché. Ce qui sera sain aussi pour la précision et la fiabilité des systèmes.»

De quoi promettre de beaux jours aux objets connectés chers au Professeur Pasquier. Tout cela se passera très bientôt, près de chez nous et très haut dans les nuages.

 

Question Marie-Pierre Chevron, maîtresse d’enseignement et de recherche en didactique de la biologie.
marie-pierre.chevron@unifr.ch

 

Frank Girard, maître-­assistant en neurosciences. franck.girard@unifr.ch Expert Jacques Pasquier est professeur ordinaire au Département d’informatique, rattaché à la fois aux Facultés des sciences et de médecine et des sciences économiques et sociales. Spécialisé dans le génie logiciel, qui s’attache à développer la fiabilité de grands programmes, ses recherches portent sur l’Internet des objets. 
jacques.pasquier@unifr.ch