« L’islam des musées ». Sociohistoire de la (re)présentation de l’islam dans les politiques culturelles françaises. Les cas du Louvre et de l’Institut du monde arabe.  

Diletta Guidi

 

 

 

Depuis quelques années, on assiste à une sorte d’ « islamania » muséale. De plus en plus d’institutions culturelles décident d’investir ce secteur culturel : sur le seul territoire français, trente-sept musées conservent des objets d’art islamique. Cependant, en dépit de cette présence numériquement importante et malgré la richesse des études sur l’islam en sciences sociales, les travaux sur l’islam au musée sont rares.  En s’intéressant à la manière dont l’islam est exposé dans les musées français, cette étude dégage la richesse épistémologique de cet objet. Elle montre qu’il est en même temps un outil de l’État pour gérer l’altérité islamique et le reflet des politiques publiques à l’égard de la religion musulmane. Le traitement muséal de l’islam permet plus largement de réfléchir à la régulation du religieux et, par extension, à la laïcité ; c’est aussi un lieu d’observation, et un cas illustratif, des tensions politiques et sociales qu’entraîne la présence de l’islam en France. Enfin, l’État étant pris dans un ensemble complexe de logiques à la fois locales, nationales et supranationales, l’analyse de la mise en scène de l’islam dans les politiques muséales est une manière d’explorer celles-ci.  Parmi les nombreuses institutions culturelles françaises consacrées à l’islam, cette étude s’intéresse en particulier au Département des Arts de l’Islam du Louvre et à l’Institut du monde arabe. Ces deux musées sont « visités » à travers une méthodologie mixte, qui associe l’histoire de l’art, la sociologie des religions et la science politique. La mise en scène de l’islam dans ces institutions et ses mutations dans le temps illustrent la complexité du rapport entre soi et l’autre en France, ainsi que la spécificité de cet autre qu’est l’islam.