Le lien entre sport et Guerre froide est souvent envisagé sous l’angle symbolique. Les sportifs auraient défendu l’honneur et le prestige de leur nation ; leurs rencontres auraient servi de prémices aux rapprochements diplomatiques ou auraient simulé, sans violence, et sur le terrain sportif, l’affrontement entre les deux superpuissances. S’inspirant du renouvellement dans la manière d’approcher la Guerre froide et des tendances récentes de l’historiographie internationale, ce colloque souhaite révéler d’autres liens entre Guerre froide et sport. Il vise en particulier à interroger comment la deuxième moitié du XXe siècle a été marquée par une mise en connexion du monde du sport, sources de tensions et d’alliances. La période de la Guerre froide correspond à une phase d’internationalisation croissante dans le domaine du sport, définie ici comme une intensification des degrés de connexions entre les différentes parties du monde. Plusieurs facteurs peuvent
expliquer ces processus : l’amélioration des transports et des communications internationales, l’élargissement global des temps de loisirs, le rôle croissant du sport pour symboliser la modernité d’un pays, voire d’un modèle politique. En outre, cette période est aussi marquée par un investissement de plus en plus important des États dans le domaine sportif. Ils font progressivement - avec certes des variations dans le degré de cet investissement selon les moments et les lieux - du sport un outil de leur politique extérieure. L’intensification des relations se joue à toutes les échelles : des organisations internationales, dont l'importance structurelle croit tout au long de la Guerre froide et où les dirigeants socialistes côtoient régulièrement leurs homologues de l’Ouest ou non alignés, aux zones frontalières où les échanges entre pratiquants du sport de masse se multiplient.
En outre, la Guerre froide, par la dramatisation euphémisée des affrontements qu’elle permet, renforce l’intérêt du spectacle sportif international. Les duels entre représentants de l’Est et l’Ouest, entre les mondes socialistes et capitalistes ou entre les pays nouvellement indépendants et les anciennes puissances impériales, se jouent à l’échelle mondiale ou continentale et ajoutent une signification symbolique au seul enjeu sportif. L’extension de la couverture médiatique et les retransmissions télévisées en direct participent à créer des communautés mondiales d’amateurs de spectacle sportif et à susciter l’intérêt d’un public plus large. Le conflit larvé entre les représentants
des différents camps, comme la concurrence interne au sein des blocs, permet de stimuler l’intérêt des spectateurs et agit sur la manière dont les sportifs sont perçus et se conçoivent.
Dans ce but, le colloque envisagera quatre aspects principaux :
- Comment la Guerre froide se déploie-t-elle dans les organisations internationales ? Comment ces dernières bénéficient-elles de l’intérêt que les représentants des camps socialiste, occidental et non-alignés assignent au sport ?
- Comment celle-ci se réfracte-t-elle à l’échelle locale, les matchs ou tournois étant investis de nouvelles significations ?
- Comment le contexte de compétition et de concurrence participe-t-il à distinguer des régimes de genre mais aussi à uniformiser les modalités de pratique sportives ?
- Comment les « blocs », de l’Est, de l’Ouest et des Suds, développent-ils des formes d’expansionnisme sportif ?
Plus largement, il s’agit au travers du fait sportif de réinterroger les chronologies de la Guerre froide, de repenser ses marges ainsi que de souligner la multiplicité des jeux d’échelles qui sont concernées. À ce titre, outre de proposer un bilan sur des travaux récemment parus, ce colloque a in fine comme but de souligner combien le sport a joué un rôle notable – qui reste sans doute sous-estimé par l’historiographie – dans ces Guerres froides globales et que celles-ci ont participé à construire le paysage contemporain du sport.
Wann? | 28.03.2023 09:30 - 29.03.2023 17:15 |
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Wo? | BP 12105 (MSH Ange Guépin) Allée Jacques Berque 5, 44021 Nantes |
Vortragende | Lidia Lesnykh, post-doctorante, Université de Fribourg
Cyril Cordoba, assistant-docteur, Université de Fribourg |
Kontakt | Philippe Vonnard philippe.vonnard@unifr.ch Beauregard 11 1700 Fribourg |
Anmeldung | boris.vinogradov@univ-nantes.fr |
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