Portrait

L'énergie comme fil rouge

Avec la crise énergétique, le Directeur de l’OFEN Benoît Revaz s’est retrouvé sous les projecteurs. Diplômé en droit de l’Unifr, sa trajectoire est liée à l’électricité et à l’énergie.

«Je suis entré dans l’énergie par les poubelles, lance Benoît Revaz, le regard rieur. Plus précisément par la valorisation des déchets.» Un premier contact qui l’a amené vers des fonctions dirigeantes dans plusieurs entreprises actives dans l’électricité et l’énergie. Depuis 2016, le Valaisan, établi à Fribourg, est à la tête de l’Office fédéral de l’énergie.

Né à Vernayaz, en 1971, Benoît Revaz a grandi entouré de trois centrales hydroélectriques. Après avoir commencé sa maturité au Collège de Saint-Maurice, il rejoint celui de Brigue. «Je pensais poursuivre mes études en économie, à Saint-Gall.» Une visite de cette université l’en dissuade. «J’avais vu mes deux frères fréquenter les Universités de Lausanne et de Zurich, avec une grande richesse de contacts de tous horizons. Il m’aurait manqué la diversité.»

Fribourg et son bilinguisme auront sa préférence. «J’hésitais entre droit et économie. Finalement, je me suis dit que je commençais par le droit et que je compléterais plus tard ma formation.

Le tournant a eu lieu un jeudi

Durant ses premières années d’université, Benoît Revaz rencontre son épouse Anne. «Nous nous sommes mariés et nous avons eu la première de nos deux filles avant même d’avoir terminé notre licence.» Le Valaisan devient ensuite assistant auprès du Professeur Jean-Baptiste Zufferey, expert en droit administratif et droit de la construction. «Le tournant dans mon cursus a eu lieu un jeudi après-midi.»

Ce jour-là, les assistants sont préposés au téléphone. A l’autre bout du fil, un avocat de la place cherchait du soutien sur des questions de droit des marchés publics dans le cadre du projet d’usine d’incinération du Canton de Fribourg, à Châtillon. «Ils étaient prêts à m’engager. J’ai demandé à réfléchir: j’étais en train de rédiger ma thèse. Le Professeur Zufferey m’a encouragé.»

Le projet impliquait le Canton, l’Association des communes et les Entreprises électriques fribourgeoises (EEF) qui avaient le lead. A mesure de l’avancée de ce dossier, les EEF ont sollicité Benoît Revaz pour d’autres projets. Si bien que lorsque le poste de secrétaire général est mis au concours, il postule. A 28 ans, il siégeait à la direction des EEF.
Le Valaisan y passe cinq ans. Il vit le rapprochement d’Electricité neuchâteloise SA (ENSA) et la transformation en SA. Il rejoint ensuite Energie Ouest Suisse (EOS), également en pleine mutation: fusion avec Atel, création d’Alpiq, réorientation du groupe. «La période a été compliquée, sur fond de crise financière.» En 2013, le besoin d’un temps de réflexion se fait ressentir.

Lorsque paraît l’annonce pour le poste de directeur de l’Office fédéral de l’énergie, en 2016, Benoît Revaz travaille comme consultant au sein d’une entité franco-suisse qu’il gère avec un associé français. «Je ne pouvais pas ne pas postuler.»

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Une conjoncture inimaginable

Même s’il connaissait bien la situation énergétique du pays, il n’imaginait pas les défis que son office devrait relever. «On traversait une phase où l’énergie était très bon marché. Tous et toutes les acteurs·trices étaient concentré·e·s sur le court terme. Et puis, il y a eu ces deux ans de pandémie, durant laquelle les besoins ont baissé, suivis de cette conjoncture inimaginable de facteurs géopolitiques qui a provoqué des ruptures dans des équilibres fragiles.»

La crise énergétique remplace la crise sanitaire à la une des médias. «On nous reproche d’avoir été alarmistes, mais ce sont les conditions météorologiques clémentes qui ont réduit le risque de pénurie. Même si de nombreuses mesures ont été prises, nous avons surtout eu beaucoup de chance cet hiver.»
Le Valaisan n’est pas pessimiste pour autant. «Décarbonation et sécurité d’approvisionnement sont d’immenses défis, mais nous en avons déjà relevé un comparable au siècle dernier, en nous affranchissant du charbon. Nous devons le faire aujourd’hui avec le gaz et le pétrole. Ce ne sera pas facile et cela nécessite l’accélération des investissements.»

Ce risque imminent de pénurie aura-t-il été le détonateur vers le changement? «Cela a libéré certains domaines, mais pas encore les grands projets qui peinent à obtenir des autorisations. Des arbitrages devront être mis en place et c’est ce sur quoi travaille le Parlement.»

Casser les silos

Avec des formations en droit et en économie, comment Benoît Revaz a-t-il su s’insérer dans un domaine aussi technique que celui de l’énergie? «Quand j’étais jeune juriste, un ingénieur m’a lancé que je ne pouvais pas comprendre parce que je n’étais pas ingénieur. Ça m’a piqué! Depuis, j’ai toujours mis un point d’honneur à me faire expliquer les problématiques jusqu’à ce je les comprenne. Sans lâcher. Et c’est ce que je conseille à tous les nouvelles collaboratrices et nouveaux collaborateurs de l’OFEN.»

Et d’émettre un regret: «Durant le cursus universitaire, il n’existe que peu d’interactions entre les facultés. Ces compétences de collaboration doivent être apprivoisées dans le monde professionnel. En incluant d’emblée un ingénieur, un juriste, un économiste ou d’autres compétences dans les discussions, on sera beaucoup plus efficace dans l’élaboration d’un projet ou d’un contrat. A l’OFEN, j’essaie de casser ces silos.»

Diplômé en droit de l’Unifr, Benoît Revaz a poursuivi sa formation à l’Université de la Suisse italienne par un Master en management et en communication. En 2009, il suit une formation sur le management stratégique à l’IMD, à Lausanne, et, en 2012, l’Executive Program de l’Université de Stanford. Cinquième directeur de l’Office fédéral de l’énergie, fondé en 1931, il est à la tête de 320 collaboratrices et collaborateurs.