La notion de tragédie racinienne présuppose, dans l’idée commune, la représentation de sujets tirés de l’histoire ou de la mythologie grecques et romaines. Racine toutefois fait un pas de côté, en 1672, en jetant son dévolu sur l’histoire de Beyezid (=Bajazet), qui s’est déroulée à la cour de Constantinople à peine un demi-siècle auparavant. En transportant son public au cœur du sérail, la nouvelle tragédie pose le défi de la présentation scénique des mœurs turques au public français. Comment faire saisir et quel parti tirer de ce qui est absolument autre sur le plan des coutumes, des principes moraux, des comportements amoureux ? Comment concilier les exigences de vraisemblance qu’impose le genre tragique et la confrontation avec l’inconnu que constitue, pour le public parisien, la puissante civilisation ottomane, vectrice aussi bien de menace que de fascination ?