14.12.2011

Fumer tue. Et alors?


«De toute façon, j’arrête quand je veux», répondent généralement les jeunes entre 14 et 18 ans, face aux messages de prévention anti-tabac. Une étude du Groupe de psycholinguistique et de psychologie sociale appliquée de l’Université de Fribourg démontre que les avertissements imprimés sur les paquets de cigarettes n’ont presqu’aucun impact sur les fumeurs de cette tranche d’âge.

Les avertissements apposés sur les paquets de cigarettes n’ont que rarement fait l’objet d’une réflexion scientifique systématique. Pourtant, mesurer leur impact sur les adolescents devrait permettre d’en améliorer leur contenu, favorisant ainsi un traitement cognitif plus poussé des informations présentées. Financée par le Fonds de Prévention du Tabagisme (FPT), cette étude, menée conjointement par des psychologues de la santé et des psycholinguistes, s’est déroulée en trois étapes: la première visait à créer et tester des messages pertinents favorisant le traitement cognitif chez des adolescents de cette tranche d’âge. La deuxième testait différentes attitudes de jeunes de 14, 16 et 18 ans vis à vis du tabac, ainsi qu’un changement possible de ces attitudes après avoir été exposés aux messages de prévention. La dernière phase, 3 mois plus tard, examinait un changement possible d’attitude à plus long terme, ainsi que d’éventuels changements de comportement.

Les mesures ont été prises de manière longitudinale (plusieurs mesures par participant à différents moments) et transversales (les participants appartiennent à plusieurs groupes). Les adolescents ont été confrontés à des messages de santé et des messages concernant les relations interpersonnelles à court et à long terme. Force a été de constater que, même lorsque, au moment de la lecture, l’adolescent se montre sensible au contenu d’un message, l’impact à long terme sur son comportement reste discutable. Selon l’étude, l’utilisation d’images ne semble pas non plus avoir une influence particulière sur les comportements tabagiques des adolescents.

Cible mouvante

De manière générale, l’étude montre que les adolescents ont l’impression de maîtriser leur consommation: parmi les fumeurs (1 personne sur 7), si 73% affirment qu’ils fumeront encore dans 5 ans, 95% sont certains de pouvoir arrêter à n’importe quel moment. Cependant, entre 14 et 18 ans, les changements identitaires sont tels qu’il n’est pas possible de considérer les adolescents comme un groupe homogène. Par exemple, les plus jeunes semblent moins sensibles aux messages concernant les conséquences à long terme sur leur santé (cancer) ou leur physique (dents jaunies), alors que ces messages ont un impact sur les adolescents plus âgés. De plus, certains événements, même très ponctuels, ont une grande influence sur l’appréhension des messages de prévention: la première cigarette ou la première ivresse peuvent déjà modifier la façon dont un message est traité.

Enfin, l’appartenance à certains groupes identitaires reste extrêmement mouvante; il est par conséquent très difficile de suivre le public cible d’un message. La solution pourrait résider dans un matraquage de messages toujours renouvelés, afin de toucher à la fois différents groupes, mais aussi la même personne à différents moments de sa vie. «Il est difficile d’imputer ces résultats à une seule cause, explique Pascal Gygax, chef du projet. Chez les adolescents, il faut plutôt étudier un réseau de comportements. Nous avons, par exemple, relevé une corrélation très étroite entre la consommation d’alcool et de cigarettes. Séparer les deux thèmes est probablement contre-productif.»

Etude détaillée: http://www.unifr.ch/psycho/site/units/psycholinguistique/prevention-tabagisme1

Contact: Pascal Gygax, groupe de psycholinguistique et psychologie sociale appliquée, 26 300 76 40, pascal.gygax@unifr.ch