CyanurePublié le 16.06.2021

Nos cellules utilisent-elles le cyanure pour communiquer?


Une équipe de l’Université de Fribourg a rassemblé de forts indices indiquant que le cyanure, un poison puissant même à petites doses, est utilisé à doses infimes par les cellules de notre corps pour communiquer.

La seule mention du mot cyanure inspire la crainte et évoque les films d’espionnage. Mais Paracelse remarquait, déjà au XVe, siècle que «tout est poison, rien n’est poison, c’est la dose qui fait le poison». Le Professeur Csaba Szabo et son équipe ont découvert que nos cellules produisent du gaz cyanure à doses infimes et l’utilisent pour activer certains processus. Le cyanure s’ajoute ainsi à la liste des trois autres gaz connus comme transmetteurs cellulaires: le monoxyde d’azote (NO), le monoxyde de carbone (CO) et le sulfure d’hydrogène (H2S). Grâce à la petite taille de leurs molécules, ces gaz franchissent aisément les membranes qui séparent les cellules et constituent donc un moyen pratique de passer des signaux entre cellules.

Tout est dans le dosage
«Dans les années 1990, explique le Professeur Szabo, on a découvert que le monoxyde d’azote était un gaz médiateur très important dans les cellules. C’était une grande surprise, car il s’agit d’un gaz toxique à doses relativement faibles. Même scénario dix ans plus tard pour le CO, puis ces dernières années pour le H2S, le sulfure d’hydrogène.» A chaque fois, il s’agit d’un gaz toxique, utilisé à très petites doses dans nos cellules pour réguler un grand nombre de processus.

Avec un faisceau convergent d’indices, l’équipe du Professeur Szabo suggère maintenant l’addition du cyanure comme quatrième gaz de communication, selon des résultats publiés au mois de mai dans la revue PNAS. Elle a en particulier utilisé des bactéries produisant naturellement du cyanure et observé, en laboratoire, leur effet stimulant sur des cellules humaines vivantes, par exemple des cellules de foie.

Le cyanure comme régulateur
La production, à très faible dose, de cyanure dans l’organisme était déjà connue. Ce que l’équipe a démontré et qui suggère fortement un rôle biologique, c’est que le cyanure a un effet positif et stimulant sur certains mécanismes cellulaires à toutes petites doses, puis un effet délétère et bloquant à plus grandes doses. Ce comportement – effet positif, puis négatif lorsque la dose augmente – est typique des transmetteurs gazeux. Son effet est particulièrement évident sur les mitochondries, ces organelles essentielles qui fournissent l’énergie de nos cellules.

Ce résultat ouvre tout un nouveau pan de recherche sur les mécanismes cellulaires du vivant. «Le plus important, déclare le Professeur Szabo, c’est ce qui va se passer maintenant. Il faut élucider comment et pourquoi le cyanure est produit et utilisé comme transmetteur. En particulier, il se peut qu’il soit impliqué dans certaines maladies.»

Récemment en effet, le Professeur Szabo a mis en évidence le lien entre certains symptômes de la trisomie 21 et la production du sulfure d’hydrogène (H2S) comme transmetteur, un exemple marquant d’un tel lien entre transmetteur gazeux et affection grave.


> L’article original dans PNAS: «Physiological concentrations of cyanide stimulate mitochondrial Complex IV and enhance cellular bioenergetics», Elisa B. Randi, Karim Zuhra, Laszlo Pecze, Theodora Panagaki and Csaba Szabo, 2021, PNAS, May 10.