Publikationsdatum 14.09.2021

L'Évangile sous le joug du droit suisse ?


Le Temps – Courrier des lecteurs [2312]

À propos de l’article d’Anne-Sylvie Sprenger, Protestinfo, « Un mariage pour tous… aussi à l’Église ? », Le Temps du 30 août 2021

L’Évangile sous le joug du droit suisse ?

Le mariage civil est un contrat, dont on sait dès le début qu’on peut le rompre. Le mariage religieux, dans la perspective de l’Église catholique-romaine, est un sacrement indissoluble qui engage tout l’être, corps, cœur et âme, selon la Parole du Christ : « Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni ».

Le point de départ des juristes bâlois, auteurs de l’étude citée par l’article, à propos de l’extension de la norme pénale antiraciste à la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle appliquée à « l’obligation » pour les Églises reconnues de droit public de célébrer un mariage religieux entre deux personnes de même sexe, en cas d’ouverture du mariage civil aux couples homosexuels, est de considérer le mariage sacramentel comme un « droit ».

Les couples ont bien sûr le droit de vivre leur amour comme ils le désirent, mais s’ils veulent recevoir la bénédiction sacramentelle de Dieu, ils sont invités à remplir certaines conditions. Si un couple ne veut pas avoir d’enfants, libre à lui, mais il ne peut recevoir la bénédiction du Seigneur qui l’appelle à la fécondité naturelle. Si un couple veut vivre un amour libre, c’est bien sûr son choix, mais il ne peut recevoir le sacrement du Seigneur de toutes les fidélités. Si un couple ne veut s’engager que pour un temps, libre à lui, mais il ne peut exiger la bénédiction du Dieu de l’Alliance qui ne reprend pas sa Parole. Or, dans la conception du mariage selon l’Évangile, basé sur l’altérité de la création biblique, « homme et femme Dieu les créa », Jésus dit bien : « L’homme s’attachera à sa femme et tous deux ne feront plus qu’un ».

Si donc le peuple suisse admet le mariage civil pour les couples de même sexe, ce droit ne peut s’appliquer au mariage sacramentel, puisque ce dernier n’est pas un « droit ». Il ne suffit pas de vouloir se marier à l’église pour pouvoir le faire. Il faut encore correspondre aux dimensions que l’amour de Dieu lui confère. Le droit suisse peut reconnaître le mariage civil entre personnes homosexuelles, mais il ne peut obliger l’Évangile à s’y conformer.

Abbé François-Xavier Amherdt
Professeur de théologie à l’Université de Fribourg