Publié le 07.04.2021

Explorer les matériaux quantiques de demain


Une équipe du département de physique de l’Université de Fribourg a mesuré des propriétés étonnantes dans un nouveau type de matériau, des propriétés qui ouvrent la voie vers des applications prometteuses dans le domaine de l’électronique de demain.

L’équipe du Professeur Claude Monney à l’Unifr vient de publier un résultat important sur un matériau quantique constitué de ditelluride d’iridium (IrTe2). Ce composé est un représentant de ce qu’on appelle les « matériaux quantiques », car ses propriétés sont dominées par des effets quantiques au niveau de ses électrons. Les matériaux quantiques les plus connus sont les supraconducteurs et le graphène, des matériaux aux propriétés très spéciales qui ouvrent de nouvelles perspectives dans de nombreux domaines.

« Ce type de matériau est la prochaine révolution dans le domaine après le graphène » explique Dr Christopher Nicholson, un postdoc dans le groupe de recherche et premier auteur de l’étude. «Il s’agit de composés constitués d’un atome de métal de transition – dans notre case l’iridium – et de deux atomes d’un élément dans la même colonne que l’oxygène dans le tableau périodique – dans notre cas le tellure. Comme le graphène, ces composés s’organisent en couches très minces, à la manière d’un mille-feuilles.»

Ce type de composé ouvre la possibilité de concevoir des matériaux dont les propriétés peuvent se modifier sur commande, à l’exemple des disques durs d’ordinateur, qui peuvent être réarrangés par un champ magnétique pour y inscrire des informations. Le groupe du Professeur Monney a montré que la tension mécanique appliquée à un cristal de IrTe2 en modifiait profondément les propriétés microscopiques. De très grandes zones ordonnées se développent dans le cristal sous tension, des zones aux propriétés quantiques remarquables.  Modifier les propriétés d’un cristal de ce type avec des tensions mécaniques est à la fois une avancée fondamentale importante et une ouverture vers des applications pratiques. « La tension modifie la façon dont les couches du matériau se coordonnent entre elles, précise Christopher Nicholson. Or un changement de ce type peut induire des effets comme la supraconductivité par exemple. La tension nous donnerait donc un bouton de contrôle pour enclencher la supraconductivité sur commande. » 

Le groupe a utilisé pour caractériser le cristal et sa réaction à la tension mécanique deux appareils sophistiqués du département de physique, un microscope à effet tunnel permettant d’observer la matière au niveau atomique, et un spectromètre à électrons pour mesurer les propriétés des électrons dans le matériau (voir l'image, avec la membre du groupe Marie-Laure Mottas).

Article: 

Nicholson, C.W., Rumo, M., Pulkkinen, A. et al. Uniaxial strain-induced phase transition in the 2D topological semimetal IrTe2. Commun Mater 2, 25 (2021). https://doi.org/10.1038/s43246-021-00130-5