Publié le 04.02.2021

Le mystère des plantes à fleurs résolu


On les croyait jeunes filles en fleurs; elles sont, en fait, sages aïeules. Les plantes à fleurs, dont l’origine a beaucoup intrigué Darwin, sont en fait beaucoup plus anciennes que ce que l’étude des fossiles n’avait montré jusqu’ici. Une équipe internationale de recherche, menée par l’Université de Fribourg, perce le mystère.

Dans les collections de fossiles, les plantes à fleurs apparaissent assez soudainement au milieu du Crétacé, la dernière ère de l'âge des dinosaures. Elles deviennent alors rapidement dominantes dans la diversité des plantes terrestres. Les analyses de génome semblent cependant contredire les données fossiles, en suggérant une origine beaucoup plus ancienne. Celle-ci remonterait, en fait, au Jurassique, ou même au Trias, l'aube de l’âge des dinosaures, environ cent millions d'années plus tôt. Pourtant, on n’a trouvé aucun fossile de plantes à fleurs du Jurassique, pas même de pollens fossiles. Cette différence frappante reste un mystère permanent pour les spécialistes.

Les maths à la rescousse
Une équipe de chercheurs de Suisse, de Suède, du Royaume-Uni et de Chine a analysé un vaste ensemble de fossiles de plantes à fleurs à l'aide de nouveaux outils mathématiques. Elle a montré que les fossiles sont, en fait, compatibles avec la date d'apparition très précoce suggérée par les données génétiques. Les plantes à fleurs seraient ainsi restées relativement rares et discrètes pendant de très longues périodes, jusqu'à leur succès spectaculaire au Crétacé. Selon cette étude, des fossiles de plantes à fleurs du Jurassique existent, mais seraient extrêmement rares et restent encore à découvrir.

«Un groupe diversifié de plantes à fleurs a survécu pendant des dizaines de millions d’années à l'ombre des fougères et des gymnospermes, qui dominaient les écosystèmes, explique Daniele Silvestro de l'Université de Fribourg, auteur principal de l'étude. A l’instar des mammifères, qui ont longtemps fait profil bas à l'époque des dinosaures, avant de devenir la composante dominante de la faune moderne.»

«Mystère abominable»
Les plantes à fleurs sont le groupe de plantes le plus abondant et le plus diversifié dans les écosystèmes modernes, dépassant de très loin les fougères et les gymnospermes. Elles comprennent presque toutes les cultures qui assurent la subsistance de l’humanité. Les fossiles décrivent l’apparition de cette diversité et cette dominance il y a 80 à 100 millions d'années, une émergence rapide que Charles Darwin a qualifiée de «mystère abominable». Ce mystère s’est encore approfondi avec les récentes technologies d’analyse ADN: les méthodes de datation, basées sur les analyses de génomes des plantes actuelles, indiquent une époque d'origine beaucoup plus ancienne pour les plantes à fleurs, en contradiction apparente avec les données paléontologiques.

Réconcilier fossiles et analyses moléculaires
La nouvelle étude, publiée dans la revue scientifique Nature Ecology & Evolution, présente donc une solution à cette énigme. L'équipe de scientifiques montre que les fossiles de plantes à fleurs sont en accord avec une origine remontant au Jurassique, voire même avant – bien plus anciennes, donc, que les preuves fossiles incontestées. L’étude suggère que l'absence de fossiles plus anciens résulte de la rareté et de la faible probabilité de fossilisation des plantes à fleurs précoces.

«Une lecture littérale des fossiles ne peut pas être utilisée pour estimer de façon réaliste le temps d'apparition des plants à fleurs, explique Christine Bacon, de l'Université de Göteborg en Suède, co-auteure de l'article. C’est pourquoi, nous avons développé de nouveaux modèles mathématiques et utilisé des simulations informatiques pour résoudre le problème.» La nouvelle étude est basée exclusivement sur les fossiles et n'inclut pas de données génomiques. Elle montre que l'âge le plus précoce trouvé dans les données génomiques est, en fait, également soutenu par les données paléontologiques.

Les conclusions de la recherche s’appuient sur une vaste base de données de plus de 15'000 fossiles compilés au Jardin Tropical de Xinhuangbanna en Chine, provenant de nombreux groupes de plantes, y compris les familles des palmiers, des orchidées, des tournesols et des haricots.

L’article original a été publié dans la Revue Nature Ecology & Evolution: «Fossil data support a pre-Cretaceous origin of flowering plants»,Daniele Silvestro, Christine D. Bacon, Wenna Ding, Qiuyue Zhang, Philip C. J. Donoghue, Alexandre Antonelli, Yaowu Xing, 2021