Publié le 05.05.2023
Infections virales et Alzheimer: une nouvelle pièce du puzzle
Des infections virales survenues à un jeune âge pourraient avoir des répercussions négatives sur le système nerveux. Une équipe de recherche de l’Université de Fribourg et du Swiss Integrative Center for Human Health (SICHH) a pu établir, sur des souris, l’existence d’un lien direct entre des inflammations et l’apparition longtemps après de modifications similaires à Alzheimer dans le cerveau.
C’est l’une des grandes énigmes de la médecine: qu’est-ce qui provoque la maladie d’Alzheimer? Ces dernières années, des signes se sont accumulés selon lesquels les infections chroniques, le plus souvent d’origine virale, jouent un rôle déterminant dans le développement de cette pathologie. Les récents résultats obtenus par le groupe de Lavinia Alberi Auber, du Département de médecine de l’Université de Fribourg, viennent étayer ce faisceau d’indices. Les scientifiques ont réussi à démontrer sur des souris qu’une inflammation chronique entraîne des modifications neurologiques négatives dès le milieu de la vie. Dans l’ensemble, ces modifications rappellent fortement le tableau clinique observé chez les personnes atteintes d’Alzheimer. Ainsi, les cerveaux des rongeurs présentaient au fil du temps des agrégats spécifiques de protéines sous forme de fibres, appelées fibrilles de tau. À cela se sont ajoutés des mutations génétiques problématiques et un dysfonctionnement des microgliocytes, des cellules qui ont une fonction essentielle dans la défense immunitaire du système nerveux central.
Des inflammations aux conséquences tardives
«Nous avons pu montrer pour la première fois que des inflammations chroniques, qui sont causées tôt dans l’existence par un agent pathogène viral, ont une influence décisive sur des changements dans le cerveau pendant la vieillesse», déclare la responsable du groupe Lavinia Alberi Auber. Jusqu’à présent, les études se concentraient sur les infections au cours de phases plus avancées de la vie. Afin d’analyser le lien, l’équipe de recherche a conçu un nouveau modèle de souris utilisant un polymère spécial nommé poly I:C. La molécule fonctionne comme une sorte de pseudovirus qui déclenche dans l’organisme une réaction très similaire à celle induite par une infection virale. Le poly I:C a été injecté aux souris à deux reprises: une première fois avant la naissance pendant la grossesse de la mère, une seconde fois à l’âge adulte. Les scientifiques ont ensuite examiné les répercussions de la réaction inflammatoire sur le cerveau durant toute la vie des rongeurs. Leurs observations les conduisent à formuler l’hypothèse suivante: chez l’être humain également, des réactions inflammatoires persistantes, même de faible intensité, peuvent participer au développement de la maladie d’Alzheimer. Une meilleure compréhension des principaux facteurs déclencheurs ouvrirait bien entendu la voie à de nouvelles méthodes de traitement et de prévention. Lavinia Alberi Auber souligne cependant que l’on ne peut comprendre la maladie d’Alzheimer qu’en la considérant comme une pathologie d’origine multifactorielle et, par conséquent, complexe.
Une nouveauté: le pathobiome
Les résultats ne sont pas seulement importants pour la recherche sur Alzheimer: Lavinia Alberi Auber et son équipe espèrent que leur modèle de souris pourra être utilisé encore plus largement dans le monde de la recherche. En effet, Alzheimer est loin d’être la seule maladie neurodégénérative pour laquelle des origines infectieuses sont suspectées. On présume, par exemple, qu’il existe également un lien de causalité avec la démence, la sclérose en plaques, Parkinson, voire la schizophrénie. Enfin, le modèle pourrait aussi aider à élucider les conséquences persistantes et encore mal comprises du Covid-19 sur le système nerveux. Afin de décrypter ces rapports de cause à effet, Lavinia Alberi Auber a créé avec des collègues une initiative mondiale baptisée «Pathobiome Alzheimer». Il se pourrait donc que nous ayons bientôt à nous familiariser avec un nouveau concept médical: le pathobiome en tant qu’interaction de différents agents pathogènes (bactéries, virus ou champignons).
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