«Mon expérience m’a montré que la seule chose qui fait durablement une différence, c’est le travail»

David Claivaz

CEO de Lemania Swiss Group of Schools

Diplômé d'un doctorat ès lettres en 2014


 

  • Quel est votre parcours professionnel?

    Je travaille depuis près de 20 ans dans le domaine de la direction d’écoles privées. Il s’agit d’une occupation un peu atypique qui fait se rencontrer deux mondes souvent séparés : celui de l’éducation et celui de l’économie privée.

    La rencontre bénéficie particulièrement à l’innovation : au tournant des années 2000, j’ai conçu et mis sur pied une formation de maturité sur internet. J’ai également créé des écoles internationales dans des régions qui n’en avaient pas et, plus récemment, je me suis impliqué dans la refondation de l’enseignement à l’aide des technologies de l’information.

    Mon parcours me fait dire que nous ne sommes qu’au début d’un processus de transformation profond de l’éducation, processus auquel je compte continuer de participer très activement. Je travaille avec une serial entrepreneure originaire de Fribourg, le Dr Dominique Bourqui, à un livre sur le futur de l’école, et les formes d’organisation adaptées à l’éducation du XXIe siècle.

  • Quels sont les moments décisifs de votre parcours?

    Il y en a deux, et ils sont liés à l’Université de Fribourg.

    Le premier est l’obtention de mon premier emploi d’enseignant auprès de l’École des Buissonnets à Sierre pendant l’été 1993. J’étais encore étudiant à la Faculté des lettres, et j’avais dramatiquement besoin de trouver du travail pour financer mes études. Grâce à cet emploi, j’ai pu obtenir ma licence dans de bonnes conditions.

    Le deuxième moment décisif est ma décision de quitter mon poste d’assistant diplômé auprès du professeur Alain Berrendonner, en août 2002, pour prendre la direction de cette même École des Buissonnets, dont le développement nécessitait un engagement à plein-temps à ce moment-là. Cette décision m’a conduit à mener en parallèle les recherches qui m’ont permis de décrocher mon doctorat en 2014 et une carrière dans le monde de l’économie privée.

    Quoique très exigeant, ce double engagement m’a offert l’opportunité de me développer en puisant à deux sources différentes et très complémentaires, celle de l’académie et celle de la vie professionnelle.

  • De quelles façon les connaissances acquises à la Faculté des lettres et des sciences humaines ont été utiles lors de vos différents emplois?

    Quel que soit le projet, quelle que soit l’initiative ou la stratégie, au commencement est toujours le verbe.

    La capacité d’exprimer une vision par écrit et le goût de le faire constituent les atouts principaux des diplômés de la Faculté des lettres, en particulier ceux des domaines littéraires. Les formules des écrivains ou des poètes ne sont bien sûr pas directement transposables dans la communication professionnelle, mais des qualités comme la clarté, la précision ou encore la concision sont et seront toujours cardinales.

    Comme votre question porte précisément sur les connaissances, et non simplement sur les compétences, j’ajouterai que les études littéraires donnent une vision du monde dont l’intérêt est de reposer sur une intuition pour ainsi dire « portative » de l’être humain.

    Alors que les disciplines comme l’économie ou les sciences voient l’homme à travers des analyses, les littéraires le voient à travers des histoires, c’est-à-dire à travers des ensembles où les éléments s’articulent selon des logiques. Il s’agit d’une connaissance de l’homme qui prend toujours plus de valeur au moment où l’organisation et la prise de décision sont attentives à éviter la constitution de silos.

  • Qu’avez-vous particulièrement apprécié durant vos études?

    Sur le plan intellectuel, j’ai apprécié que la formation soit, depuis le premier jour, basée sur la recherche. Je n’ai pas souvenir d’une seule séance d’enseignement de nature « scolaire » à l’Université de Fribourg. Nous étions constamment invités à vérifier les propos tenus en cours dans les sources, et nous avions le temps et, grâce aux bibliothèques des séminaires, les ressources pour le faire. Nous avons appris à penser à partir de données et de faits, et non à partir d’opinions autorisées ou de tendances dans l’air du temps. C’est un bon vaccin qui prévient contre les dangers du buzz ininterrompu.

    Pour être vraiment formatrice, la confrontation avec les sources doit se doubler d’un échange avec les professeurs et les pairs. Le lieu par excellence de cet échange, c’est pour moi la cafétéria au nord du campus de Miséricorde, que j’appelle « la cafétéria des lettres ».

    Avec sa grande baie vitrée ouvrant sur les Alpes et sa fresque où des étudiants pour l’éternité se recréent, elle possède une âme propre, accueillante à ceux qui veulent prendre le temps de se parler vraiment. En outre, elle continue d’offrir le meilleur bircher müesli au monde (comparaison faite avec ceux de nombreux palaces) et une frangipane dont le coût dérisoire m’a permis de tenir bon lorsque le nombre de mes repas était compté.

  • Un conseil pour que les futur·e·s étudiant·e·s s’insèrent au mieux dans la vie professionnelle?

    Au début de ma carrière, je pensais qu’il y avait de nombreux paramètres pour arriver au succès : la formation, la chance, la situation, les ressources financières, les réseaux, les idées de génie, les plans, etc.

    Mon expérience m’a montré que la seule chose qui fait durablement une différence, c’est le travail. Je dois tous mes succès au travail qui les a façonnés. Du travail patient, déterminé, éclairé par la réflexion et la créativité, capable de remise en question, mais d’abord, avant tout et surtout du travail.