Jamais complètement ignorée, même lorsqu'elle a été sévèrement critiquée par les philologues du XIXe siècle, la Seconde Sophistique jouit, depuis les dernières vingt ou trente années, d'un intérêt accru. Le principal stimulus de cette réévaluation radicale de la littérature de l'époque impériale a été, sans aucun doute, le phénomène complexe de la construction de la mémoire d’un passé lointain et révolu tel celui de l’Athènes classique. Or, comme il a été montré (Schmidt, Fleury 2011), cette relation délicate entre passé et présent s'établit dans le contexte de la légitimation ou de la résistance au pouvoir impérial. Parallèlement, la recherche philologique s'est concentrée sur des questions de nature nettement littéraire, comme l’étude des modèles rhétoriques du discours sophistique ou la dimension pragmatique de la performance oratoire (Whitmarsh 2005). Enfin, de nombreuses recherches, menées principalement par des historiens et des archéologues, cherchent à mettre en évidence les aspects idéologiques, pour ainsi dire, d'une véritable manipulation du passé par une reconstruction de sa mémoire, non seulement par le texte littéraire mais surtout par l'analyse des témoignages épigraphiques et archéologiques (Cordovana, Galli 2007; Malosse, Noël, Schouler 2011). Toutefois, la reconstruction de la mémoire du passé, au travers de l'analyse de ses élaborations littéraires, n'a pas encore été abordée suffisamment. Notamment, la comparaison directe des deux époques clés, marquant l'une les débuts et l'autre la fin de la Seconde Sophistique, mérite plus d'attention. L’époque flavio-antonine est marquée par l’activité de Dion de Pruse et de Plutarque, tandis que la période des Sévères est représentée par l’œuvre d’Élien et de Philostrate.